samedi 28 janvier 2012

Shadows

 
 
S'il vous prenait un jour l'idée de vouloir dialoguer avec une ombre, regardez-y à deux fois ou mieux, éclipsez-vous!




Alors qu'il la crée, c'est sans l'ombre d'un doute
que jamais, non jamais le soleil ne la voit

Comme j'allais poursuivre mon quatrain il me sembla que la lumière baissait mais je mis cela sur le compte de ma sieste manquée et surtout d'un repas trop arrosé de Jasnières.
Le bout du quatrain me démangeait les doigts et je m'exécutai en écarquillant les yeux sur ma page moins blanche.

un hypocondriaque Michel Blanc y marcha
la guitare à la main, baroudeur en déroute

La page était redevenue blanche comme si une ombre était passée l'espace de deux verres vers. Rien dans le ciel d'un bleu éclatant ne justifiait cette obscurité aussi subite que fugitive, pas plus d'avion furtif que de vol d'étourneaux, mais l'illusion d'un Clong de guitare désaccordée et une voix qui me sembla dire "J'ai du mal à parler parce que j'ai les dents qui poussent".
Apprenez que lorsque j'écris je m'attends à tout - même à des facéties de mes personnages - et il en faut bien plus que ça pour m'impressionner aussi attaquai-je le second quatrain, Jasnières ou pas.

Quand Proust y dépeignait de jeunes filles en fleurs

Cette fois le doute n'était plus permis et des silhouettes sombres envahirent ma page au point que je n'y distinguais plus mes écrits.
Je levai la tête à nouveau vers le ciel éclatant de soleil où rien n'expliquait ce phénomène! Une ombre venue de nulle part s'invitait au gré de l'écriture et troublait ma rime en fleurs.

Je décidai d'attendre qu'elle disparaisse - ce qu'elle fit après quelques minutes - le temps pour moi d'imaginer autre chose qui finissait en... l'armée des résistants.
J'avais même la rime pour le vers suivant... noires tractions-avant
mais je n'eus pas le temps de démarrer qu'une sinistre croix des plus opaques s'invitait sur ma feuille! Cette fois-ci elle avait la voix de Ventura ou peut-être celle de Meurisse, je ne saurais dire tant j'étais ébahi. En tout cas ça disait "Au revoir camarade".
J'hésitai à répondre mais l'ombre mourrait déjà en pétaradant.

Je suis d'un naturel optimiste et si d'autres nuages devaient continuer à assombrir mon oeuvre, je préférais traiter des sujets plus légers.

J'hésitai entre les Pi ying du théâtre chinois et un brave cadran solaire provençal et comme je n'arrivais pas à me décider il ne se passa rien, tellement rien que je constatai avec effarement que mon Waterman posé verticalement sur la page blanche ne créait aucune ombre portée.   

Autant je pouvais imaginer une vie sans soleil mais une vie sans ombre m'était insupportable au point que je n'osai regarder derrière moi. Il m'en fallait une, et vite! Peu importait à quoi elle ressemblerait.
Au diable les Pi ying et les maîtres cadraniers il me fallait trouver une idée dans la seconde, plus vite que... oui, c'est ça,  Lucky Luke!

Sans prendre le temps de compter les pieds et sans même m'avoir consulté, mon Waterman avait craché cette célèbre salve "I'm a poor lonesome cow-boy" .
J'allais devoir supporter l'ombre d'un tueur jusqu'à ce que j'aie trouvé une rime en "boy"! Damned!
Une détonation m'explosa les oreilles et je basculai en arrière tandis qu'un immense nuage noir obscurcissait ma vue... 





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