mardi 30 septembre 2014

Apollo gît

Publié aux Impromptus littéraires sur le thème de la Mer de la tranquillité 
 
 
 
 
 
 
Dans mes rêves d'enfant Elle semblait si loin
que même en attachant bout à bout mes peluches
je n'aurais pu toucher ce ballon de baudruche
qui égayait mes nuits de son sourire en coin.
 
J'ai rangé mes peluches au rayon Souvenirs
je voulais posséder le monde et au-delà
j'ai appris tous ces mots... décoller... alunir
j'étais de la Nasa l'un des trois lauréats.
 
Ce vingt et un juillet nous avions un rancard
Elle ne riait plus, fâchée, inconsolable
et moi j'étais penaud, honteux, déconfit car...
 
dans mon accoutrement j'ai fait l'irréparable
en un pas de géant pour notre humanité
j'ai marché dans la mer de la Tranquillité  
 

mardi 23 septembre 2014

Sorcellerie

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème: Voyage d'une goutte
 
 
 
 
 
Te souviens-tu d'un soir quand à Marie-Galante
nos râles répondaient au chant des batraciens
une perle sortie de tes tresses mouvantes
est venue ruisseler dans le creux de tes reins.
 
J'ai voulu la cueillir, briser sa course folle
avant qu'elle ne fuie vers ton secret sillon
mais quelque dieu vaudou, quelque sorcier créole
de mes folles pensées joua les trublions.
 
De la goutte nacrée n'est resté que le sel
sur le grain de ta peau qui frissonnait encore
je perdais le joyau qui manquait au décor.
 
Le ti-punch a bon dos et ton rire railleur
faisait monter l'envie... d'aller dormir ailleurs
mais ma trouble métiss' Dieu que tu étais belle.

samedi 20 septembre 2014

Self-control

Comment garder son sang-froid? Tel est le sujet proposé par les Défis Du Samedi.
 
 
 
 
 
 
Qu'elle ait de leur maison défoncé le portail
oublié les gamins à l'étude du soir
lavé à quatre vingt son unique chandail
et fait sauter les plombs avec la rôtissoire...
 
Qu'elle ait dilapidé tout l'argent des vacances
déclaré au voisin qu'elle était nymphomane
postulé pour un job dans la jungle birmane
et de tous leurs contrats résilié l'assurance.
 
Inspirant par le nez, expirant par la bouche
il allait retrouver la paix et l'harmonie
en lançant ce CD Vaudou-Patagonie...
 
Du lecteur encombré s'enfuyaient quelques mouches
une mini-pizza en sortit... aux anchois
il perdit à la fois son souffle et son sang-froid.  

Aujourd'hui...

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
 
 
Je réalise que j'ai bouclé une année d'exercices de style!
Comme le temps a passé vite !
Oh j'en ai bien négligé quelques uns soit par paresse, par indisponibilité ou par manque d'inspiration.
Pourtant je suis fier d'avoir relevé ce défi de Raymond Queneau et je conseille l'exercice à tous ceux qui aiment le format court et la spontanéité des idées et des mots... 
 

vendredi 19 septembre 2014

Aujourd'hui profonde pensée philosophique

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours (avec ou sans sauce)... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!

 
Tout semblait tellement facile, sans embrouille ni cas de conscience; et puis j'étais avec des connaisseurs, des aguerris du truc.
Un truc que font tous les gens d'ici par tradition - presque les yeux fermés - chaque vendredi aux terrasses ensoleillées.
Alors quand je me suis retrouvé devant la chose, un savant mélange de carottes, pommes de terre, haricots verts, courgettes, betterave et morue sans compter la petite montagne d'aïoli... j'ai senti monter comme une angoisse, une de ces profondes pensées philosophiques qui vous brouillent l'écoute (sans contrepèterie) et vous gâchent le plaisir : on commence par quoi ?
 
 

jeudi 18 septembre 2014

Aujourd'hui moment du réveil

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours ... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!
 
La nuit a été dure, la faute au vent qui a soufflé sans interruption.
La météo n'est pas engageante : temps variable.
Ce matin pas plus qu'hier, je n'irai pédaler sur les pentes du col du Babaou.
Je déroule l'insipide programme de la journée en jetant un coup d'oeil par dessus mon oreiller sur le golfe du Lavandou et les contours de l'île du Levant qui sortent à peine de la grisaille.
D'abord un tour au marché provençal, puis gaudineto chez Laurent... pâté maison, espadon grillé et mousse de fraise
Ce soir apéro et redînette.
Quelle poisse !
 
Gaudineto : petit repas joyeux

mercredi 17 septembre 2014

Egarement

Publié aux Impromptus Littéraires
 
 
 
 
L'endroit était désert, ses derniers occupants
l'avaient enguirlandé de suaires de deuil
que tissent à l'envi d'affreux monstres rampants
que j'allais affronter en franchissant le seuil.
 
Des pierres sataniques, des outils d'un autre âge
attendaient aux carreaux d'improbables sauveurs
une bouteille nue, anonyme breuvage
de ma curiosité attisa la ferveur.
 
Qui me dira comment, pourquoi, par quel mystère
en partit le bouchon dans un pet ridicule
aux remugles troublants d'herbages et de terre?
 
Je l'ai sifflée d'un trait sans effroi, sans calcul
sur mon dos mastiquaient des monstres fossoyeurs
la porte s'est fermée, depuis je n'ai plus peur...
 
 

dimanche 14 septembre 2014

Aujourd'hui un gros mot

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours un gros mot... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!

 
VACANCES
 
Si ça ce n'est pas un gros mot !
Ne me cherchez pas... je reviens en octobre

samedi 13 septembre 2014

Chabrol, blanc-cass et cagnoles

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème : Us et coutumes  
 
 

 


 
J'étais à l'âge des culottes courtes, celui où on ne se pose pas la question de savoir pourquoi on fait ces trucs là et depuis quand on fait ces trucs là...
En ce qui concerne le cérémonial de chabrot - en cinéphile averti, nononque Hubert disait Chabrol - j'avais toujours vu les anciens rafraîchir le fond de leur assiette de soupe avec une grande rasade de Passetoutgrain et on jouait à qui imiterait le mieux leurs grands Sluurp qui ponctuaient ce rituel ancestral.
Qui c'était ce Chabrot ou Chabroù? Sans doute un bienfaiteur de l'humanité à en croire les yeux pétillants des vieux.
Tante Anastazia s'y était mise aussi, même si rien n'égalerait jamais son affreuse wodka frelatée.
Un lointain cousin des Baux de Provence racontait que ça venait de cabroù parce qu'on boit comme une chèvre, mais Oncle Hubert qui avait vu Le beau Serge en cinémascope tenait à son Chabrol.
 
Puisqu'on en est au chapitre des étrangetés je me dois d'évoquer l'incontournable ban bourguignon qu'on entonnait dans les banquets et toujours au dessert après quelques chansons paillardes dont j'ignore l'air et les paroles puisqu'on nous envoyait voir ailleurs si on y était!
Quiconque sait chanter “Tra la... Tra la... Tra la la la lère...” en approchant les mains en forme de coupe à hauteur de sa trogne pour les faire tourner comme si on regardait à travers devient un pro du ban bourguignon.
Mes cousins et moi-même avions une variante à une seule main qui permettait de pincer les fesses du voisin ou de la voisine; du coup, nos vieux utilisaient cette variante pour nous coller une baffe au passage.
A quoi ça tient une coutume? A cinq pauvres notes, deux maigres onomatopées et neuf claquements de mains, pourtant ces scènes de liesse me manquent aujourd'hui.
Aujourd'hui on ne chante plus, on fait des selfies qu'on balance aussitôt sur fesse de bouc, histoire de montrer sa tronche, son cul ou deux doigts d'honneur à la terre entière et puis on va faire une sieste...
 
Et le kir, le vrai kir... celui auquel le chanoine céda l'usage commercial de son nom?
Ca tient en trois lettres, dix centilitres et c'est magique.
Un vrrrai blanc-cass, M'sieurs Dames c'est un tierrrs de vin blanc cépage aligoté et deux tierrrs de crrrème de cassis à 20°. Ajoutez-y un bon tierrrs d'accent bourrrguignon en rrroulant les 'Rrr' et vous voilà au parrradis!!
De plus chez nous on en boit jamais un mais deux!
Vindiou! Tu vas pas rrrepartirrr sur une seule jambe!” disait le voisin qui un jour ne remonta jamais de sa cave... sacrrré Dudule!
Taratata! Vous repasserez avec vos communards au vin rouge, rince-cochons, kir gaulois à l'hydromel, breton au cidre, royal au crémant ou impérial au champagne! Pourquoi pas un kir à la Kronembourg tant que vous y êtes?
 
Je sens bien que mes coutumes vous ont ouvert l'appétit, alors je suis forcé de parler des escargots qu'on sert autant aux fêtes joyeuses qu'aux enterrements, surtout aux enterrements.
Si aujourd'hui l'escargot de Bourgogne arrive tout droit et sans se presser des pays de l'Est, à l'époque il naissait, vivait et mourait chez nous... surtout aux enterrements.
Pour ces funestes réjouissances le plat de cagnoles était servi religieusement avec le sachet de cendres adjoint à sa cuisson pour figurer une sorte d’hommage rendu aux cendres des morts.
Oncle Hubert rompu aux cérémonies funèbres y allait toujours du même bon mot pour détendre l'atmosphère :”Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres” disait-il en évitant l'oeillade assassine de tante Anastazia.
 
Je ne vous bassinerai pas avec “la paulée” - le banquet de fin des vendanges - ni la saint Vincent tournante qui n'a rien d'obscène, ni la vente à la bougie des Hospices de Beaune, ni les Chevaliers du tastevin et leur drôle de coupelle à dégustation, bref... comme disait Oncle Hubert qui ne ratait pas une occasion d'embistrouiller son Anastazia :”Les coutumes comme les femmes, sont faites pour être respectées et bousculées aussi”.  
 
 
 
 





Aujourd'hui escaliers/escalators/ascenseurs

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours ... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!

 
Depuis tout gamin on rêve d'aller plus haut et puis au fil du temps on trouve les marches fatigantes, jusqu'à ce qu'on avance en âge pour ne plus rêver que de plain-pied, question de sens pratique.
Au fait d'où vient « plain-pied » indépendamment du fait que « plein »s'écrivait « plain » autrefois et que nos pieds sont forcément pleins de quelque chose.
Plain vient de plaine pour désigner une habitation au niveau du sol, un lieu où l'on mangerait, dormirait et irait au petit coin facilement et à toute heure du jour et de la nuit... le pied !
 

vendredi 12 septembre 2014

Aujourd'hui la cinquième personne qui va vous parler

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours ... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!

 
J'ai beau recompter... c'est bien la cinquième.
Pour la cinquième j'aurais aimé non pas un discours mais un vrai échange, quelque chose d'enrichissant qui éclaire ma journée ou me fasse réfléchir.
Oh je n'attendais pas une voix vibrante ou sensuelle ou rassurante mais un message, le simple message d'un être vivant à un autre être vivant en bref, une communication !
Alors j'écoute et réécoute ce message impersonnel sans pouvoir y répondre.
J'en prends mon parti, il s'adresse à moi et pourtant il ne m'apporte rien, juste un constat, comme un couperet... « Vous n'avez aucun nouveau message »
 
 

mercredi 10 septembre 2014

Aujourd'hui contenu et contenant

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“.
Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.
Pas sûr que j'écrive tous les jours ... et de toute manière, pas sûr que vous me lisiez tous les jours!

 
J'aurais pu parler d'un Ruchottes Chambertin du cousin François voire d'un Haut Fayan de Puisseguin Saint-Emilion ou encore d'un Jasnières Lelay 2011.
J'aurais pu parler fillette, magnum, jéroboam, mathusalem, balthazar voire nabuchodonozor... mais le cœur n'y est pas.
 
A l'heure où un bras de fer s'engage à Gevrey-Chambertin sur la route des Grands Crus entre les viticulteurs et la DDT à propos de l'enlèvement des panneaux « Ici commence le chambertin » au prétexte d'un futur classement au patrimoine mondial de l'Unesco et par solidarité avec mes « pays », je ne dirai rien... si !
Oui au nettoyage, non au pillage !

lundi 8 septembre 2014

La drénaline

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème : Une étrange bâtisse 
 

 
 
C'était la toute dernière bâtisse du village, marquée d'un panneau Fouzy-sur-la-Tronche copieusement criblé par nos savants tirs de caillasse.
On passait toujours devant à fond la caisse - c'est à dire dix à l'heure - sur la mob bleue d'Oncle Hubert mais jamais on ne s'y serait arrêté.
Etait-ce parce que le maire du village y régnait en maître ou parce que la Tronche à cet endroit grondait sauvagement contre les pales pourries d'une grande roue à aubes immobile et noire comme un loup garou?
Tout dans ce lieu semblait chargé d'un lourd secret.
Le moulin flanqué de son étrange cheminée de briques disjointes ne moulasse plus rien depuis belle lurette, en tout cas je n'avais jamais entendu dire qu'on y ait moudré ou moudu - ça sert à quoi de nous faire copier cent fois ces foutus verbes du troisième type - le moindre boisseau de blé depuis que j'étais né.
Pourtant à chaque fois qu'on rebeuillait dans le coin avec les potes, ça viaunait comme une odeur de farine rance qui me donnait la nausée et m'attirait en même temps.
 
Alors quand le Bébert a proposé d'y aller voir cette nuit-là à cause que c'était nuit de pleine lune, j'ai ressenti ce machin que les grands appellent la drénaline et qui m'occasionna une drouille carabinée !
Pendant que je soulageais mes arrières aux cagouinces, Bébert préparait le matos en grand secret: échelle de corde, sac à dos et cette fameuse lanterne de cheminot Wonder qui s'use même quand on s'en sert pas.
On a jarté sans nous retourner - en chaussettes pour pas alerter Rex, le câgne du voisin qui aboyait au moindre bruit - et plus vite que prévu à cause d'une forte rabasse qui nous a gaugés avant même d'avoir passé le pont de la Tronche!
 
Vindiou! On était pas beaux à voir quand on est passés au travers d'une borgnotte restée entr'ouverte. Heureusement y avait personne pour nous voir.
J'appris plus tard que nononque - Oncle Hubert - y était passé bien avant nous pour aller dévierger celle qu'on appelait aujourd'hui Madame le Maire, mais c'est une autre histoire.
Bref, la borgnotte était si étroite que j'y ai déniapé ma belle chemisette - celle avec l'écusson brodé L'Héritier-Guyot “Buvez du cassis” - mais on était en mode aventurier genre Lawrence d'Arabie et j'ai même pas pensé à la tisane que j'allais prendre au retour.
Dans le moulin c'était noir avec un escalier noir et des murs tout noirs aussi.
Faut dire que la lanterne Wonder faisait du noir à cause que nononque en avait soupé de changer les piles.
Alors en tâtonnant, chacun a compté les marches - bêtement puisqu'y en aurait autant en redescendant - mais j'ai pas trouvé pareil que le Bébert: c'était mauvais signe, ça sentait le mystère à plein nez et la poussière aussi.
 
Soudain j'ai buté sur un gros ventre mou, un peu comme celui du maire ou plutôt comme celui du sergent Garcia, le gros beusenot où Zorro s'amusait à dessiner des grands Z en noir et blanc chaque mercredi dans la télé des voisins...
C'est Bébert qui m'a retenu avant que je redescende l'escalier cul par dessus tête.
Par une croisée de l'étage, la pleine lune semblait franchement se foutre de notre gueule.
Faut dire qu'on était blancs comme les Francini de la piste aux étoiles tellement qu'on s'était frottés aux sacs qui traînaient.
Cette âcre odeur de son ou de farine viaunait de plus en plus à m'en filer le virot à moins que ce ne soit la drouille qui rappliquait à nouveau...
T'es tout pâle” m'a soufflé Bébert qui était aussi blanc que moi.
Je cherchai un endroit pour m'isoler au milieu de la vieille machinerie faite de poutrelles, de poulies et de courroies de cuir reliées par d'immenses toiles d'araignées.
Soudain, un grand bruit de chute... un cri étouffé!
Je me traînai dans leur direction.
Le Bébert et la lanterne Wonder venaient de tomber dans la trémie, le grand entonnoir de bois dont ne sortaient guère plus que ses chaussettes et un râle de mort-vivant.
Alors j'ai tiré sur les pieds de toutes mes forces jusqu'à l'entendre gueuler plus fort.
Il était bien esquinté, les genoux couronnés, la tronche rouge et blanche avec une belle beugne sur le front et débordant de reconnaissance: “Tu m'as sauvé la vie” chouina t il en se collant à moi.
Bizarrement il s'était mis à faire grand jour - surement la fameuse drénaline dont parlaient les grands - et en haut de l'escalier clairait une grosse lampe tempête.
 
Derrière la lampe, une p'tiote en pyjama nous observait d'un oeil curieux, l'autre oeil étant caché par ladite lampe.
Quand je dis la p'tiote, tout le monde au village l'appelait la Marcelle et elle avait toutes les raisons d'être là à cette heure puisqu'elle était la fille du maire et d'ailleurs elle y est encore... pas dans l'escalier mais fille du maire, enfin de l'ancien maire puisqu'il ne l'est plus, bref.
C'est avec elle qu'on allait nadouiller au lavoir pendant toutes nos vacances et le fait d'avoir mouillé nos culottes ensemble me disait qu'on allait pouvoir s'arranger pour qu'elle dise rien à ses vieux.
Je lui ai refilé deux carambars avec les blagues et un roudoudou à la fraise qui moisissaient dans mes poches et puis on a déguerpi sur nos chaussettes, la gueule enfarinée, Bébert avec sa beugne et moi avec ma chemisette déniapée, laissant derrière nous le moulin et son secret.
On avait paumé la lanterne d'Oncle Hubert, ce qui nous garantissait une double tisane mais c'est le prix à payer - dit-on - pour la drénaline.
 
 
La p'tiote n'a jamais cafté, du moins pas encore à ce jour... 
 

 
 
Lexique du patois bourguignon:
 
beugne : bosse
beusenot : idiot
borgnotte : petite fenêtre
chouiner: pleurnicher
déniapé : déchiré
drouille : diarrhée
esquinté : abîmé
gaugé, tripé: mouillé
jarter : renverser, marcher très vite
nadouiller : jouer, éclabousser avec de l'eau
p'tiote : gamine
rabasse : averse
rebeuiller : fouiller
tisane ou frottée : dérouillée
viauner : sentir mauvais
virot: nausée