mardi 27 novembre 2012

Gisèle

  Publié sur le site MotImageCitation
 
 


 
La porte!” glapit le vieux.
 
C'était toujours comme ça avec lui quand l'automne avançait; il faut dire qu'il perdait un peu plus de fourrure chaque année.
Mes petits frères Rodi et Siffreco dormaient encore, alors je tirai ce qui nous servait de porte et sortis sur l'ancienne voie ferrée.
Depuis qu'on avait trouvé ce duplex – une tanière sur deux niveaux - aux Buttes-Chaumont sur le site 'Gîte 21.com' notre vie s'était nettement améliorée.
Si les souris, mulots et campagnols étaient plus rares qu'à la campagne, on avait vite fait notre supermarché des poubelles du XIXème d'autant que les jardiniers et les services de la Ville fermaient les yeux.
Tant qu'on faisait gaffe à ne pas transmettre cette putain de rage, on ne risquait pas grand chose.
 
Maman prétendait que l'air était moins pur qu'en banlieue mais je m'en foutais, ce qui m'intéressait plus que tout c'étaient les copains.
Ceux de Montmartre m'avaient baptisé Dicaprio - rapport parait-il à Renardeau Di Caprio - mais j'ai jamais compris ce qui les faisait rire.
Y parait qu'il y avait aussi une bande de rouquins au Boul'Mich commandée par un certain Sorbonne mais je les ai jamais vus.
Ce matin-là, il y avait dans l'atmosphère comme un air glacé qui vous frisait les babines et vous raidissait la touffe de queue en rien de temps; même la gamelle de lait qu'on disputait aux chats du quartier était figée et je dus y poser la patte avant d'attaquer mon petit dej.
 
“Salut, Dicaprio!” glapit Zouzou en lorgnant franchement vers la gamelle.
Hiérarchie oblige, je lui abandonnai la place car ceux de Montmartre s'étaient installés bien avant nous et que Zouzou était devenu intouchable depuis qu'il avait pris le métro à Cité Universitaire et fait la Une des journaux parisiens!
De toute façon le lait était bien trop froid pour l'émail de mes canines et je pris la coulée habituelle qui m'amenait à ma reposée, juste derrière le Guignol de Paris, là où les enfants perdent souvent quelque bonbon ou sucrerie...
 
Horreur! Nom d'un goupil! Ma reposée était occupée par un rouquin qui me tournait insolemment le dos et allait devoir déguerpir la queue entre les jambes...
Je pris mon jappage le plus terrible: ”Qui es-tu pour oser occuper ma reposée? N'as-tu pas reconnu l'odeur 'Urine & Crottes' de ceux des Buttes-Chaumont? ”
Un museau fin et soyeux, une truffe luisante, deux yeux ambrés bordés de longs cils noirs, une robe bigarrée mouchetée de blanc, un poitrail ...
J'ai senti que j'allais m'évanouir.
Je crus entendre: “Salut, moi c'est Gisèle de Saint-Denis”
 
Je m'évanouis tout à fait.  
 
 

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