samedi 31 janvier 2015

Mignonne, allons voir si la rose


Caser les mots: Espace, Bruit, Frisson, Rythme, Couleurs, Langage, Caprice, Lire, Déchirer, Pont pour raconter une rencontre improbable, c'est la dernière trouvaille du Défi Du Samedi.







Cette chansonnette entêtante me revenait parfois, une de ces choses qu'on écrivait jadis avec mes potes sur un coin de table et qu'on fredonnait aux filles, à la récré.
“Quand on allait chez Natacha
on séchait le cours de géo
pour folâtrer avec son chat
on découvrait la spéléo”.

Nos après-cours de géo étaient si loin et bien loin les frissons avec cette Natacha.
Marguerite n'est pas du matin et comme elle lit tous les soirs au lit, je reconnais que ça laisse peu d'espace pour la bagatelle.
Je ne sais pas ce qu'elle trouve de particulier à ce Ronsard mais elle en a plein la bouche, alors forcément elle n'a plus faim. De plus c'est un langage d'un autre âge: “Mignonne, allons voir si la rose... bla bla bla... A point perdu ceste vesprée!”.
Pas facile de lutter contre un poète qui cause pas comme vous et moi.
J'ai quand même cherché 'vesprée' dans un dico et ça disait: “Nom désuet signifiant la fin de la journée lorsqu'il subsiste encore un peu de lumière, entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit”.
Personnellement, entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit je trouve qu'il y a assez de place pour la bagatelle.

S'il lui vient parfois comme un caprice, c'est en catimini qu'elle consent au grand frisson et en prenant bien soin de ne pas déchirer son ouvrage (je parle du bouquin).
Elle ne s'effeuille pas Marguerite, elle se découvre. Elle ne gémit pas Marguerite, non, elle déclame!
Je me suis longtemps posé la question de l'utilité d'un marque-page jusqu'à ce que je me mette en ménage avec Marguerite, même si les risques de perdre la page sont rarissimes...
Faut dire que je suis également du matin.
Ce n'est pas une question de rythme biologique, c'est comme ça depuis ma naissance: le matin j'ai besoin de lumière, de m'étirer, de siroter ou de téter quelque chose, j'ai envie de manger mais j'ai d'abord envie d'un ventre chaud. Alors je hisse les couleurs à la gloire d'une journée qui pourrait éventuellement s'annoncer belle.

Ce matin - tout comme ce jour triste embarrassé derrière les persiennes - j'étais en berne... alors je me suis habillé sans bruit et je suis sorti.
Sans calcul j'ai marché vers la rivière qu'une crue soudaine avait la veille transformée en torrent impétueux. Comme j'atteignais le petit pont de pierre, je l'ai reconnue - silhouette improbable - penchée au dessus de l'eau, celle qui m'avait éduqué à la spéléo, celle que je chantais en rigolant à la récré... Natacha!

Elle s'est redressée un peu et m'a souri d'un sourire las que je ne lui connaissais pas. A quoi bon parler, le tumulte était à la fois sous nos pieds et dans cette rencontre impromptue, dans ce contact furtif de deux mains oubliées et dans son étrange regard aux prunelles délavées.
J'ai cru entendre Marguerite: ”Elle a dessus la place Las ! Las ses beautez laissé cheoir !”
On se foutait bien de Ronsard. Elle et moi, on a passé le pont...


lundi 26 janvier 2015

Let sleeping dogs lie

Publié aux Impromptus Littéraires d'après les photos suivantes



Petit-Jean-comme-derrière
Chakidor


Chakivol






On se souvient ou pas que Blanche - dite la Cappucetto Rosso - était partie chez sa great-mother chercher ingrédient ou deux pour sa marâtre désireuse de confectionner ce traditionnel masque de beauté de Cesare Frangipani à base de frangipane et de beurre en pot.

En chemin - car il y a toujours un chemin pour aller d'un endroit à l'autre d'un conte - elle rencontre Petit-Jean-comme-derrière.
« Que fais-tu ainsi sur ton derrière, les bras ballants ? » lui demande t-elle.
« J'en ai assez de courir derrière mon jumeau Gros-Jean-comme-devant ! » rétorque t-il « Pour faire court j'en ai plein les bottes».
“Que n'essaies-tu donc ces somptueuses pantoufles de verre?” lui dit Blanche “Je les tiens de ma great-mother qui les a chinées sur le Bon Coing. Elles te siéront comme un gant et je te ferai un prix canon”.
“Mais elles ne sont même pas pareilles!” s'insurge Petit-Jean-comme-derrière.
“Grand benêt, c'est pour distinguer la droite de la gauche” souligne Blanche qui a retenu la leçon de son aïeule “la droite est en verre alors que l'autre est en vair”.
“Euh... T'aurais pas quelque chose de moins zarbi, par hasard?” hésite t-il.
“Grand benêt, si je t'avais croisé en Mars 2014, je t'aurais proposé l'affaire du siècle: des bottes de sept lieues... C'étaient pas des Boulutins mais je les tenais d'un petit poucet qui les avait fauchées à un ogre pendant son sommeil” raconte Blanche.
“Ça existe encore les poucets?” questionne Petit-Jean-comme-derrière.
“Faut croire que oui, surtout depuis que les ogres n'ont plus de bottes... en tout cas le mien était petit et pourtant il courait vite!”.

A cet instant du marchandage, un rugissement (d'abord reconnaissable par ceux qui étaient là en 2014) se fait entendre, un boucan comme il en existe rarement dans les contes car il obligerait le conteur à imiter le bruit d'une vieille meule.
On aura reconnu le loup - toujours prompt à tirer la chevillette - et dont la mobylette cherru... choiru... enfin se gaufra.
“Je vais devoir me casser” s'impatiente Blanche “depuis que ce loup a fauché la mob de ma great-mother, il ne cesse de me tourner autour!”
Petit-Jean-comme-derrière en est tout statufié: “Les loups s'intéressent encore aux fillettes, de nos jours? T'aurais peut-être besoin d'un chaperon”
“Merci bien... j'ai ce qu'il faut sur moi. Si je te dis qu'une meuf au bois dormant s'est faite planter avec une saloperie de quenouille pas plus tard que le mois dernier?” rétorque Blanche “Dis-moi plutôt où je peux trouver cette damnée frangipane et ce beurre en pot!!”
Petit-Jean-comme-derrière en tomberait céans sur son cul si ce n'était déjà fait: “Ecoute bien. Tu iras jusqu'au Chat qui dort et tu demanderas à parler à un dénommé Flavius Olybrius”.
Blanche est sceptique: “C'est quoi un Chakidor?”
“Ecoute ceci. C'est un massif de buis parmi les massifs de buis, comme qui dirait en forme de greffier qui pionce et qu'on appelle le Chat qui dort” rétorque Petit-Jean-comme-derrière.
“Original” souligne Blanche.
“Non point” rétorque t-il “On dit Olybrius, même si Original c'est un peu la même chose”.

On sait maintenant que dans les contes les gars rétorquent tandis que les filles soulignent.
“Comment veux-tu que je retrouve ce massif de buis parmi les massifs de buis?” s'inquiète Blanche de plus en plus blanche.
“Tu n'auras qu'à suivre les panneaux qui disent 'Let sleeping dogs lie' “ rétorque Petit-Jean-comme-derrière.
Blanche qui fait anglais seconde langue hausse les épaules: “Que viennent faire les clébards là-dedans?”“T'embrouille pas” rétorque t-il “c'est encore un faux-ami, une des expressions tordues des rosbifs pour dire qu'il faut jamais faire chier les chats qui pioncent, ni les autres d'ailleurs”.
“De quels autres veux-tu oarler?” demande Blanche.“Je veux parler du chat qui vole, par exemple” rétorque Petit-Jean-comme-derrière.
Blanche est sceptique et toujours aussi blanche: “C'est quoi un Chakivol?”“C'est comme qui dirait un chat botté qui aurait troqué ses bottes contre un tapis volant” rétorque Petit-Jean-comme-derrière.
“Alors les chats volants persans ont des tapis orientaux” souligne Blanche.Petit-Jean-comme-derrière commence à en avoir marre de rétorquer à chaque fois qu'elle souligne.
“J'en sais rien... en tout cas s'ils ont des tapis percés, ils doivent pas voler longtemps!” rétorque t-il.Blanche décide de couper court aux sarcasmes par un “Ciao, grand benêt” tandis qu'au loin vrombit la chiotte du loup...

La confection du traditionnel masque de beauté de Cesare Frangipani est encore loin, très loin... et c'est tant mieux pour ceux qui écrivent les contes.








samedi 24 janvier 2015

sur la route de Marmande

Publié sur le site MilEtUne 




Je t'attendrai à la porte du roadster
toi tu auras mis ta robe à fleurons
tu râleras mais le bruit du moteur
m'empêchera d'entendre tes jurons

Nous partirons sur la route de Marmande
ça tètera les quinze litres aux cents
à Milwaukee on dit qu'elle est gourmande
mais toi tu dis que c'est surtout assourdissant.

Ce que j'adore dans cette Excalibur
c'est quand ta robe s'envole en louvoyant
et je me fous bien des hydrocarbures
pourvu qu'on voie tes dessous attrayants.

Le soir venu, la jauge sera basse
le cuir brûlant et nos nez cramoisis
les freins feront un bruit de contrebasse
et les pistons seront proches de l'ectasie.

On m'attendra à la porte du garage
les mécanos me connaissent par coeur
on cherchera un lit dans les parages
tandis qu'ils se consacreront au remorqueur.

Demain, demain sur la route de Marmande
après la nuit qui nous aura moulus
on reprendra notre belle gourmande
toi étiolée et moi un peu perclus.

Et pour parer à toute catastrophe
les mécanos nous suivront, angoissés
jusqu'aux confins de la dernière strophe...
En freinant bien pour ne pas nous dépasser.
En freinant bien pour ne pas nous dépasser. 
 

La vie, c'est pas du cinoche




« Ah bah, maint'nant, elle va m'aller beaucoup moins bien, forcément ! » pleurnicha t-elle, façon Bourvil.
Pourquoi ne pouvait-elle pas s'empêcher de citer ces répliques cultes dont certains nous rebattent les oreilles... mais la vie, ma poulette, c'est pas du cinoche.
Je me rendais compte que j'y étais allé un peu fort mais c'était d'abord la faute à ce mignon petit nœud noir à l'entre-bonnet, cet affriolant drapé de tulle, ce laçage raffiné et toute cette dentelle qui dégueulait sur le devant et dans le dos aussi... désolé, moi je ne fais pas dans la dentelle.
Si ce n'était cette moue enfantine qui venait de me faire craquer, je n'aurais pas aimé du tout son œil noir chargé de reproches qui tendait à faire de moi le pire des salauds.
“Faut r'connaître... c'est du brutal” dit-elle et elle cita aussitôt Les Tontons Flingueurs avant que je m'énerve tout à fait.
Pourtant à aucun moment dans nos violents ébats elle n'avait semblé préoccupée par sa guêpière, ce maudit rempart entre nos deux épidermes que je détestais plus que tout.
« Trente quat' euros à La Redoute » insista t-elle pingrement en expertisant les dégâts.
Tel un lance-pierre, une jarretelle pendouillait au lustre à pampilles comme un reproche au dessus de ma tête.
Au jeu des répliques j'étais nul mais je tentai quand même un « Mais tu ne comprends pas... je suis un homme » que j'avais entendu dans Certains l'aiment chaud.
Le retour de bâton arriva, assommant : « Et alors, personne n'est parfait !». Elle avait dû entendre ça plein de fois ou alors ça n'était pas une réplique et ça dépassait les bornes.
Qu'est-ce qu'elle s'imaginait? Que j'allais l'emmener chez Darjeeling faire repriser les dégâts?
J'ai eu soudain envie de rire.
« Et ça t'fait marrer? » protesta t-elle en se drapant d'un bout de drap.
« Oui ma jolie! Je tiens enfin mon sujet ! »
« C'est dans quoi ça? Je tiens enfin mon sujet ? »
J'ai bombé le torse: « C'est dans rien. C'est le sujet des Impromptus... Les beaux dégâts »
“Commence par finir c'que t'as commencé!” répliqua t-elle.
Comme je me précipitais sur elle, elle bondit hors du lit, nue et échevelée: “Non mais ça va pas? C'est dans l'Voyage de Shihiro! Qu'est-ce que tu croyais?”
Je commençais à en avoir marre de ses devinettes, de son Shihiro et de ses dessous à trente quatre euros!
“La prochaine fois, mets du solide... ou plutôt ne mets rien” lui lançai-je à la figure.
Elle devint blanche: “La prochaine fois y aura pas d'prochaine fois”.
Son cou était de la même blancheur, un de ces cous graciles... et mes doigts s'étaient mis à fourmiller de mille picotements.
Elle dut lire une interrogation dans mon regard: “Ça c'est dans Les Sopranos...”
J'allais serrer, mais elle a bredouillé: ”Déconne pas... si t'as pas vu la saison Cinq, tu peux pas d'viner”
Bien sûr que je n'avais pas vu la cinquième saison... comme si j'ignorais qu'il n'existe que quatre saisons!
Rien que pour ce mensonge, moi qui ne sais rien faire de mes dix doigts - comme on m'avait toujours répété - j'ai failli serrer et puis j'ai lâché son cou pour chercher cinquante euros dans une poche.
“Tiens pour tes beaux dégâts...” ai-je lâché avant de claquer la lourde.
“Hé!! C'est qui cet impromptu?”




Mille millions de mille milliards de neurones

 Publié aux Défis Du Samedi



J'ai la mémoire courte et même si les plus courtes sont les meilleures je me souviens avoir oublié en quelle version je suis... 1.2 ou peut-être 2.1
On dit que c'est stocké quelque part dans l'hippocampe.
Comment?
Ça prête à sourire? Oui je sais, ça fait ça la première fois mais les plus grands professeurs sont formels: on a tous un hippocampe dans le bocal.
Moi j'en ai un gros parait-il et ça m'arrange vu que les schizophrènes en ont un petit et que je n'ai pas l'intention d'être schizophrène en plus d'avoir la mémoire courte.
C'est marrant mais l'hippocampe - ce cheval de mer qui ressemble beaucoup à ce qu'on a dans le bocal - a lui aussi la mémoire courte car c'est le mâle qui porte les oeufs alors qu'on sait parfaitement que c'est le job de la femelle, bref.
Qu'est-ce que je disais déjà?
Sans doute un truc que j'avais sur le bout de la langue.
C'est fou ce que je peux avoir comme choses sur le bout de la langue, mais quand ça ne sort pas, ça ne sort pas...

Les mots de passe, par exemple.
Qui m'expliquera pourquoi je me souviens du passage de la petite souris pour la chute de ma première dent de lait au siècle dernier alors que j'oublie les mots de passe que j'ai choisis hier?
J'en avais un chouette - Alzheimer - mais je l'oubliais trop souvent ou bien je ne savais plus où placer le 'h' alors j'ai choisi Azerty... ou Qwerty, je ne sais plus mais je me souviens que ça finit par 'erty'.
Heureusement il y a peu de mots qui finissent en 'erty'... enfin je crois.

Parait qu'on a fait une découverte d'importance - la PP1 - une protéine responsable de ça: une véritable gomme à effacer ce qui n'est pas important!
On dit aussi que si on n'avait pas cette gomme, on aurait le bocal qui exploserait de trucs pas importants qu'on accumule dans le bocal.
Des chercheurs français auraient trouvé ça en bricolant des souris et ça m'arrange... j'aime pas les mulots à cause des tendinites au poignet.

Pour tout le reste, j'ai trouvé une application pour ça: je m'invente des souvenirs.
Fini le bourrage de crâne et puis j'en avais marre d'être obligé de réparer mes oublis.
Y a pas plus chiant que devoir réparer un oubli.
Vous en avez déjà réparé vous, des oublis? Vider l'eau du bocal, restaurer la version précédente, nourrir l'hippocampe avec les bons algoritmes... algorytmes... algorithmes... enfin, bref.
Alors que s'inventer des souvenirs, c'est génial. Vous devriez essayer.
Mon psy qui ne jure que par Nietzsche - un nom à vous dégoûter des mots de passe - dit que ça n'est pas grave tant que personne s'en aperçoit.
J'aime bien écrire des trucs qui commencent par 'je me souviens'... ça me rassure.
Je me souviens du goût de l'encre violette...
Ah non! Ca c'était mon défi du 3 janvier 2015, je m'en souviens.


lundi 19 janvier 2015

Les beaux dégâts

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème: Beaux dégâts






J'avais organisé, classé, tout bien rangé
de mes jeunes années jusqu'à cet âge mûr
où l'on se croit blindé et rangé des voitures,
j'avais finalement mis mon coeur en viager.

Mais c'était sans compter sur cette saboteuse
qui a dynamité mon rempart de routine
violé mon intérieur, décapé ma patine
c'est une racketteuse, une maître-chanteuse.

Elle a dépoussiéré mes idées préconçues
et jeté aux orties mes slips kangourou
changé mon aspartame en sucre du Pérou.

Elle a tourneboulé le sablier du temps,
fait de moi un gaillard, jouisseur impénitent.
Elle a mis mes tabous tout sens dessous dessus

dimanche 18 janvier 2015

Les envies prennent fin

Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration suivante







“Alors Mazarin, quels nouveaux dégâts ce matin?”

“Oh rien de bien méchant Sire, des beaux dégâts comme on dit en Espagne... un bronze a été décapité au parterre d'eau”

“Au parterre d'eau dis-tu... laisse-moi deviner... la Garonne?”

“Non point Sire”

“La Dordogne alors?”

“Non point Sire”

“Ne me dis pas 'Non point Sire', c'est le Rhône, donc?”

“Euh... si fait Sire, c'est le Rhône en personne”

“Encore un de mes Tuby favoris? Bon Dieu, ces casseurs vont finir par tout nous bousiller!!”

“Il est vrai Sire que depuis que le petit bosquet de la Reine a été ravagé, Versailles a perdu de sa superbe”

“Laisse-moi m'occuper en personne du petit bosquet de la Reine, veux-tu?”

“Euh... On aura leurs têtes à ces casseurs, Sire, on aura leurs têtes!”

“A propos, a t-on retrouvé la tête en bronze au moins, afin qu'on la recollât?”

“Euh... non point Sire”

“Je te paie une fortune pour quoi faire, Mazarin? Y'a des jours où tu mériterais une calotte!”

“Vous m'en offrîtes déjà une, Sire”

“Et malappris avec ça! Je t'en ficherai des offrîtes, moi! Chaque jour que Dieu fait, il me tombe une tuile, déjà que cette résidence a été bâtie par des propre-à-rien! Je hais Versailles et ceux qui l'ont érigé”

“Sire, hier justement j'ai fait mander Le Vau et Mansart et ils devront répondre de toutes ces malfaçons”

“Des malfaçons? Tu appelles ça des malfaçons? Des bassins qui fuient, des Grandes Eaux qu'on dirait le bidet de Marie-Antoinette, des bosquets dégarnis, des étages qui s'écroulent?”

“Je dirai que c'est un comble, Sire pour un château”

“Ouais... c'est bien ce que Ma Majesté disait: c'étaient des combles!”

“Tenez Sire, voici Le Vau et voilà Mansart ou lycée de Versailles”

“Plait-il?”

“Pardon Sire... ou vice et versa”

“Ahhh vous voilà enfin!”

“Euh... vieux carrosse que jamais, Sire”

“Remise tes vannes oiseuses Mazarin. Dites-moi Mansart, vous m'avez bâti de l'occasion, c'est de la récup, ça peut pas être du neuf ça?”

“Sur ma tête Sire, c'est tout en Leroi Merlin, garanti trois cent cinquante ans”

“Hein? Quel roi Merlin? Y a qu'un seul Roi ici, c'est Ma Majesté!”

“Euh... Leroi Merlin l'Enchanteur, Sire, c'est là où vos envies prennent vie”

“Ah oui? Regardez donc dans quel état sont mes envies! Ca s'écroule chaque jour un peu plus, et je parle même pas de ma Galerie des Glaces! Même la Pompadour veut plus y mettre son cul. Ou bien c'est de la camelote ou bien vous avez pris des ibériques pour monter ça... ou bien les deux”

“Euh... Sire, c'est vrai qu'on a un peu profité des soldes mais vu le budget qu'on avait... c'était ça ou aller chez Castoche”

“Epargnez moi les détails sordides, Mansart. Budget ou pas, le résultat est là! Comment voulez-vous que je fasse visiter ça plus tard? Vous en connaissez des touristes qui visitent les ruines?”

“Euh... en Grèce ils font ça très bien, Sire”

“Et bien allez vous y faire voir, Mansart!! Et Le Vau avec! Ou lycée de Versailles comme dit Mazarin”



“C'est bien envoyé, Sire. Euh... pour les réparations, j'ai ouï dire qu'il existe un moyen de commander en ligne”

“Mazarin! Puis-je vous rappeler qu'il n'y en a qu'un qui commande ici, c'est Ma Majesté!”

“Of course, Sire. Votre Majesté peut désormais soi-même commander en ligne”

“Et comment ça fonctionne, cette chose?”

“C'est à la portée du premier manant venu si j'ose dire, Sire... on fait ranger les fournisseurs sur une seule et même ligne et on choisit celui qui fait la plus belle révérence ou qui crache le plus loin... c'est au choix”

“Super idée mon brave Mazarin! Et bien qu'attends-tu? Fais moi venir tous ces arnaqueurs... enfin, sauf ce Roi Merlin bien sûr!!”

“Que votre Sire est bonne!”

“Tu parles! Dans cette turne y a plus un parquet qui tienne debout!”

“Justement Sire, voilà Le Nôtre”

“Notre parquet?”

'Non Sire... Le Nôtre, enfin le Vôtre... votre jardinier à la française”

“Ah oui, celui qui m'a fait un labyrinthe dont on ne sort jamais?”



“Euh... Sire, il se dit aussi que l'étiquette c'est ringard et qu'il existe depuis peu des codes à bâtons”

“Des codes à bâtons? Ouais, et bien chaque chose en son temps, Mazarin. Pour l'étiquette on verra plus ta... Quel est ce grand fracas, Mazarin??”

“Euh... ça semble venir de votre Galerie des Glaces, Sire”






samedi 17 janvier 2015

L'arbre aux gouttelettes

Publié aux Défis Du Samedi d'après l'illustration suivante



“Hé Mathieu! Si j'te dis que le gouttelier a pleuré ce matin...”

 (Il faut préciser aux citadins que l'arbre aux gouttelettes s'appelle un gouttelier)
 

“C'est de saison, l'Henri... c'est d'saison... comme on dit chez nous: Rosée du matin, rosée du matin” 
“Non non non! C'était point d'la rosée! J'te dis que l'gouttelier a fait des perles” 
“Tiens? Félicie aussi” 
“Je sais que c'est à peine croyable. D'habitude les goutteliers sont tranquilles jusqu'à début mars, et ben les miens ont déjà fait des perles!” 
“Ouais... Félicie aussi, ça tombe début mars” 
“Oublie Félicie une seconde! Deux mois d'avance, vindiou... c'est pas normal. Tu m'enlèveras pas d'l'idée qu'y détraquent nos goutteliers avec leurs fusées, leurs pots cataleptiques et leurs rézosociaux!!” 
“Ça dépend l'Henri... ça dépend. Tes goutteliers, c'est d'la variété Chagrins du matin ou Espoirs du soir?” 
“J'ai que des Chagrins du matin, ceux qu'ont la peau rugueuse enfin des peaux d'chagrin quoi” 
“Des Chagrins du matin? C'est comme Félicie, elle est pas du matin... ni du soir d'ailleurs” 
“En plus - d'après l'Grégoire qu'est pépiniériste à Marsannay - c'est des “vinum clarum”, une variété qui gêle pas au point de rosée!” 
“Ouais... Félicie aussi... point de rosé. Que de l'alligator” 
“Tu veux dire de l'aligoté?” 
“Ouais mais elle dit alligator passque quand y te tient, y te lâche plus” 
“Fais pas la tronche, Mathieu! C'est juste que cette année on est pas gâtés par la nature” 
“Hum... Félicie non plus” 
“Tu crois pas que si j'leur mettais un grand coup de chaud au cul, ça les requinquerait??” 
“Ouais... tu m'donnes une idée, là... c'est pas con” 
“J'te leur colle le brasero bien chargé pendant une heure ou deux... et en voiture Simone” 
“Une heure ou deux... t'y vas fort l'Henri! Et elle en dit quoi la Simone?” 
“Hein? Comprend pas. C'est que j'y tiens à mes goutteliers... y m'coûtent assez cher toute l'année” 
“Ouais... Félicie pareil” 
“Vindiou! Tu m'gaves avec ta Félicie. T'as t'y seulement été voir les tiens si y z'avaient goutté?” 
“Pas la peine. Moi j'ai des Espoirs du soir, alors tu penses ben que j'vais pas m'emmerder à aller les voir le matin... même si j'ai rien à foutre le matin vu qu'la Félic...” 
“Ahh! Maint'nant, y en a soupé de ta Félicie!! Un Espoir du soir, ça pleure pas... au contraire ça rigole, alors tu f'rais bien d'faire pareil au lieu de chouiner tout l'temps!” 
“Ça rigole, ça rigole... ça dépend! Y a des Espoirs du soir qui rigolent pas, par exemple ceux qui sont attaqués par l'araignée du matin” 
“Ah ben ouais... une attaque d'araignée, forcément. Et pourquoi pas une explosion eunucléaire? Si t'imagines le pire...” 
“Ben le pire... j'lai sous les yeux du matin au soir, alors...”

“Bon ben c'est pas tout ça mais j'vais aller bourrer l'brasero, à c't'heure!” 

“Attends moi! Y a longtemps que j'ai pas vu ça!”


lundi 12 janvier 2015

Vice et versa

Les Impromptus Littéraires sont curieux de savoir ce qu'on faisait à la sortie des cours...
de la spéléo, bien sûr



Quand on allait chez oncle Hubert,
à la sortie du cours d'anglais
y'avait toujours du camembert
avec un coup de beaujolais.

Quand on allait chez oncle Armand,
à la sortie du cours de maths
on avait droit évidemment
à son gaspacho de tomates.

Quand on allait chez tante Louise,
à la sortie du cours de gym
on se tapait des mignardises
du coca-cola, des ice-cream.

Quand on allait chez tante Jeanne,
à la sortie du cours d'histoire
on inondait de macédoine
son tiramisu aux boudoirs.

Mais pour aller chez Natacha
on séchait le cours de géo
pour folâtrer avec son chat,
on découvrait la spéléo...

Quand je me souviens de tout ça
je me dis que chacun apprend
qu'on soit potache ou référent
c'est beaucoup de vice et versa.

dimanche 11 janvier 2015

Verre pervers


Publié sur le site MilEtUne d'après le tableau de Berthe Morizot “Le psyché”






Toi qui me connais bien, mon complice stylé
donne moi ton avis, avec ou sans corset?
J'ai lu dans ton reflet qu'hier, tu balançais
et ce gai caraco, devrais-je l'enfiler?

Quand je joue des pastels, tu joues des opalins
dans l'éclat fulgurant d'un jour de mousseline
Comment vois-tu ceci... organdi? percaline?
Ne me regarde pas ainsi, tu es vilain.

Que ne t'a-t-on donné en prime la parole
Ô mon reflet muet, critique pointilleux
on pourrait s'expliquer alors entre quat' z'yeux!

Comment? Reflète un peu! Je sais que tu rigoles
et que le dos tourné tu fais de mon derrière
un portrait peu flatteur façon montgolfière...

samedi 10 janvier 2015

Matière à réflexion

Le Défi Du Samedi nous invite à réfléchir au miroir...



Qu'on se souvienne ou pas qu'on appelait, Blanche la Cappuccetto Rosso ou encore la Petite Cape Rouge, toujours est-il qu'elle était partie chercher ingrédient ou deux pour sa marâtre impatiente de confectionner le traditionnel masque de beauté de Cesare Frangipani à base de frangipane et de beurre en pot.

Ainsi donc chaque matin le miroir de la marâtre - son royal smartfaune - lui donnait des nouvelles fraîches de ses sujets ainsi que des nouvelles fraîches du temps qu'il fait et des recettes de beauté pour rester fraîche jour après jour car il y avait des applications pour tout ça.
Smartfaune, Ô mon beau smartfaune, dis-moi qui est la plus gironde?” interrogeait tactilement chaque matin la marâtre puisqu'elle avait un doigt pour ça.
Le miroir était trop poli pour être honnête et la marâtre trop imbue d'elle-même, fière et vaniteuse et aussi trop bête et méchante pour réfléchir autant qu'un miroir.
C'est le miroir qui se mire dans la reine et pas le contraire se répétait-elle, mais si le royal smartfaune ne répondait pas à cette question c'est qu'il n'y avait pas encore d'application pour ça et la marâtre fulminait chaque matin depuis que le conte existait.

Le roi Merlin - dit l'enchanteur et par qui les envies prennent vie - l'avait maintes fois prévenue: “Ô marâtre! Ce smartfaune dernier cri “Made in Empire du Milieu” vous perdra. Vous en deviendrez esclave, vous en oublierez le héraut qui sonne, le crieur qui crie, le bonimenteur qui bonimente, la cire qui cachette en cachette, le coursier qui course, l'oiseau qui touite au printemps et aussi les...”

Ô toi dont les envies prennent vie quand pour d'autres c'est castoche” fulmina la marâtre “tu disais déjà ça pour ma quenouille sans fil, mes loups Boutin de sept lieues, mon épilateur Excalibur, ma lampe halogène de chez Aladin mais aucune des catastrophes que tu m'as prophétisée ne s'est jamais produite!!”

Lorsqu'il était désenchanté l'enchanteur se transformait parfois en cerf vidé et c'est ce qu'il fit.
Comme il regagnait ses bois - ce qui est une bonne chose pour un cerf, même vidé - le royal smartfaune se mit à émettre une troublante musique.

Smartfaune, Ô mon beau smartfaune, quel air me joues-tu? Dis-moi tout, car je suis la marâtre et je dois tout savoir!” ordonna la marâtre.

Ô marâtre, puisque vous voulez tout savoir j'ai la puce qui sautoie, la mémoire qui flanchoie et aussi la batterie qui merdoie” répondit le smartfaune qui se sentait de moins en moins royal.
C'est pas cool” répondit la marâtre désabusée et, du doigt qu'elle avait pour ça elle s'empressa de poster un courriel à l'Empire du Milieu avant que son smartfaune ne se pâme.

A mille sept cent lieues de là - soit huit mille kilomètres car la lieue était à 6.47 kilomètres à cette époque - un philosophe de l'Empire du Milieu, affecté au service après-vente déchiffrait entre deux parties de mikado un étrange courriel venu du château de Stauffenburg en Basse Saxe.
Avec celui de Harry Potter, celui de la Belle, celui de la princesse Kaguya et celui de Shrek, ça commençait à faire beaucoup de problèmes autour du merveilleux smartfaune dernier cri “Made in Empire du Milieu”!

Avec toute la philosophie propre aux sujets de l'Empire du Milieu, il estima que cette marâtre se prenait le chou pour peu de choses et se contenta de lui renvoyer un lien wiki vers Freud et Jung accompagné d'un coupon de réduction sur l'achat d'une horloge * comtoise connectée...


A dix lieues de là, Blanche - qu'on appelait toujours Cappuccetto Rosso ou encore la Petite Cape Rouge - croisa un cerf vidé qui ruminait dans sa barbe mais elle se garda bien de le questionner, de peur d'être hors sujet.
Elle se rendait tout droit chez sa great-mother-fucker, sans passer par la case Départ, sans recevoir vingt mille sequins, sans ces foutus miroirs que tout le royaume avait reçu en étrennes... et elle se dit que c'était bien.

* l'horloge comtoise est celle qu'on trouve dans les contes (connectée ou pas)