lundi 12 mai 2014

Banana Split Mountain

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème Rêve d'ailleurs



 
 
 
 
 
Une fois de plus je reprends cette route qui monte au nord-ouest - tournant le dos aux étoiles du Strip... MGM, Bellagio, Venetian et aux sublimes grès rouges de Red Rock Canyon - avec pour seul but la cime familière du majestueux Mont ....
L'asphalte surchauffé laisse bientôt place au modeste et sinueux ruban de Kyle Canyon Road qui à neuf cent mètres d'altitude s'élève insensiblement entre les paysages rocailleux piqués de maigres buissons, cactus et yuccas biscornus et les roches sculptées par les intempéries et les vents ancestraux.
Ça et là quelques fermes aux corrals endormis me rappellent aux hommes dans ce désert de Mojave où tout parait figé à jamais.
A mesure que je m'élève, les bouquets de pins ponderosa apparaissent ainsi que les cèdres et par endroit ces chalets de bois qu'on croirait venus tout droit des Vosges ou des Alpes.
Aurai-je la chance d'apercevoir un cheval ou quelques ânes sauvages au détour d'un virage?
Ce rocher au loin, est-ce un mirage ou un de ces vieux indiens Païute qui m'observe en mâchant une racine?
Mais plus haut vers deux mille mètres viennent les grands sapins bleutés du Colorado, les White-fir dont l'ombre propice m'incite à faire une halte.
Je laisse un moment la voiture.
Peu sensible aux quelques degrés de température perdus, je retrouve dans l'air ambiant ces effluves alpines que l'on goûte chez nous, qui enivrent et incitent à aller encore plus haut.
Par endroit des chemins de randonnée invitent les plus opiniâtres à se perdre...
On imagine mal qu'aux rares et violentes pluies, des torrents et des cascades aient pu creuser ces bassins et ces oueds et réveiller une végétation en sursis.
Jusque-là, pas d'à-pics ni de ravins vertigineux, l'ascension n'est palpable qu'aux changements d'uniforme de ces sentinelles végétales dont bien des joueurs de casino ignorent l'existence.
Combien savent qu'à moins d'une heure de la Cité du Vice existe un paradis où détalent les lièvres, où lambinent de maigres coyotes, où jouent les chipmunks, adorables petits écureuils au costume rayé.
Gare à l'aigle royal, le Golden eagle est vraiment roi ici et il le fait savoir en grands cercles aussi majestueux qu'inquiétants.
 
Que dire des primevères roses, des lupins, des fleurs de cactus, herbes odorantes, arbustes et arbrisseaux, et tous ces troncs tordus aux formes fantasmagoriques?
Par endroit des pans de montagne aux squelettes calcinés me rappellent le danger omniprésent des incendies dévastateurs, et délaissant la station de ski fermée à cette époque je remonte en voiture et poursuis mon ascension jusqu'au lodge et son alignement d'une vingtaine de chalets de bois.
Dans ce havre de paix je m'installe sur l'immense terrasse posée à l'aplomb du vide pour me goinfrer dans un dernier effort une incroyable banana split (*) que vient parfois survoler quelque facétieux oiseau-mouche.
Le nez au vent frais - toutes proportions gardées - et les yeux plantés au sommet, j'ai la nette impression de toucher le ciel.
Avant d'être redescendu dans la fournaise, je sais déjà qu'un jour je reprendrai cette route qui monte au nord-ouest...
 
 
(*) Three scoops of premium vanilla bean ice cream between "split"banana, topped with crushed pineapple, strawberry topping and hot fudge, covered with whipped cream walnuts and a chery on top.
 
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire