samedi 28 février 2015

Prière de mettre au clou

 Publié aux Défis Du Samedi et accroché au clou








On se souvient que le Créateur avait chassé Adam et Eve du jardin d'Eden en les condamnant à un Ave et trois Pater (Voir Genèse saison3, 22-24).

Il faut préciser qu'Adam était dur de la feuille - la faute à Eve et à ce “Love songs “ de Binyamiyn Biolay qui lui filaient des érections sénatoriales - aussi se trouva t-il fort déconfit au seuil du jardin d'Eden avec un navet Maria et trois patères sur les bras.
“Pourquoi n'en ferais-tu pas un portemanteau?” suggéra Eve qui en était à sa seconde idée de génie depuis celle de la pêche originale.
“Il me semble qu'au singulier, on dit un porte mental” fit singulièrement remarquer Adam qui était plus syntaxe que bricolage.
“Ne me demande pas pourquoi” insista Eve “mais je trouve que portemanteau, c'est plus joli”

“Et un portemanteau pour porter quoi, Madame?” soupira Adam qui s'était soudain ramolli de la feuille et sentait venir l'embrouille.
“Pour porter mes manteaux, gros naze” répondit Eve, toute étonnée de formuler une lapalissade bien avant La Palisse lui-même.
Le ton était monté mais sans nuisance sonore puisque les voisins n'avaient pas encore été créés ni l'amende forfaitaire à soixante huit euros.
“Et c'est quoi un manteau, Madame-je-sais-tout?” bougonna Adam.
“C'est c'que tu vas pas tarder à m'offrir pour couvrir ma nudité car j'en ai soupé d'porter cette tenue d'Eve!” répondit t-elle en se drapant dans un ressentiment qui se trouvait là.

Remarquons que si la tenue d'Eve est encore portée de nos jours, on ne sait rien de la tenue d'Adam.

“Et ça ressemble à quoi, un manteau?” s'inquiéta Adam à juste titre.
“Ça dépend d'la saison, gros naze” répondit Eve, songeuse.
Adam se souvenait que le Tout Puissant avait créé deux grands luminaires – lune et soleil – pour marquer les saisons:”Euh... t'es sûre que trois patères ça va suffire?”.
“Ça m'étonnerait” rétorqua Eve “si tu comptes un imper, un blouson et un ciré pour la pluie, un caban et un parka pour les grandes marées, un paletot et une gabardine pour la demi-saison...”
Adam avait blêmi:”Ah... parce qu'il y a aussi des demi-saisons? Ça doit être un truc de fille, ça”

“C'est quoi une fille?” ironisa Eve “et puis j'ai besoin d'une pèlerine pour l'arrière saison, d'une doudoune et d'une canadienne pour le froid sibérien... ”
Adam s'égosillait:”Une canadienne pour la Sibérie!! Tu cherches l'incident diplomatique? Tu perds la tête ma pauv' fille!!”

“En tout cas, tu peux préparer un chapelet d'patères avant qu'on finisse congelés au bord du jardin!”
“T'aurais pas plutôt une autre idée?” gémit Adam sans conviction car une troisième idée de génie aurait tenu du miracle et la multiplication des patères n'était pas inscrite au programme du Créateur.
“J'avais bien pensé à un dressing” murmura Eve “mais l'angliche n'existe pas encore...”
Adam soupira:”On va pas compter sur les angliches pour trouver de bonnes idées. Occupons-nous céans de ton foutu portemanteau”.
“Il me semble bien vert, Adam” fit remarquer Eve.
Vert Adam... Il songea que ça pourrait servir plus tard, mais à quoi?

Adam prit alors le navet Maria et y fixa les trois patères - Lapeyre, la fixe et la sintesprix - puis il grava cette inscription dans le vert: “Prière de mettre au clou”.
“Ça veut dire quoi, mettre au clou?” questionna Eve.
“Tu peux pas comprendre” dit Adam “ça touche au mystique... plus tard nos descendants appelleront ça le Mont-de-Piété”
“C'est plutôt sympa” admit Eve “et ça f'rait pas mal chez ma tante”.
“T'as pas d'tante, ma pauv' fille” répliqua justement Adam, car c'était vrai.
“C'est pas faux” dit Eve, car c'était vrai.
Ainsi le portemanteau était né, j'étais né et c'était bien.

Aujourd'hui je comprends pourquoi on me regarde bizarrement... un navet gravé d'une inscription “Prière de mettre au clou”, c'est tellement éloigné de ce qu'ils font aujourd'hui chez Casto, là où les envies prennent vie.
J'en ai supporté des fringues au fil des siècles, des chitons, des toges, des gandourahs, des crinolines et des redingotes, des treillis, des caches-poussière, des fourrures et des machins innommables.
Et aussi des teeshirts et des trench coats depuis que l'angliche a été inventé.
Alors, ne me parlez plus de fringues, nom d'un saint Frusquin!



mardi 24 février 2015

A moi conte, dix mot: Alecto, culeter, décarbonater, explicateur, garde-fou, imploser, malicorne, pérégrinomanie, ravaleur, sida.


Ouranos culetant Gaïa



Fidèle à sa réputation Ouranos (le Ciel) perpétuellement uni à Gaïa (la Terre) bien qu'engendré par elle n'en finissait pas de la culeter, engendrant Titans, Cyclopes et autres déesses infernales.
Ainsi naquit Alecto d'après le seul postulat explicateur d'un garde-fou mal fixé - traitement novateur anti-sida – que perfora allègrement la malicorne (ou maligne corne) d'Ouranos.
Atteinte de pérégrinomanie galopante et au risque d'imploser en vol, l'insouciante Alecto courait la planète ignorant les ravaleurs occupés à décarbonater un monde d'ores et déjà en grand péril...




lundi 23 février 2015

Le kiosque à zizique

Raconter aux Impromptus Littéraires le jardin, le parc, le square , le paysage de son enfance en empruntant le style à son auteur préféré, mais sans le désigner: c'est mon secret et comme tous les secrets, je ne le répéterai qu'à une seule personne à la fois :)


Le kiosque à zizique Place Wilson



Les dimanches d'été on allait au joli kiosque à musique de la place Wilson à Dijon.
Parait qu'on le doit à l'architecte Desherault depuis 1912!
Moi je dis: Devoir encore quelque chose pour un machin style art-nouveau de 1912, c'est se foutre de la gueule du contribuable!
J'appelle pas ça de l'impôt, j'appelle ça de l'attaque à main armée!
Parait qu'le tourniquet à flonflons avait été inauguré en grandes pompes - en rangers - et en avril 1912 par la musique militaire du 27ème régiment d'infanterie... mais à l'époque j'étais encore dans les valseuses à mon dab et j'risquais pas d'entendre sonner l'trompion.

Donc le dimanche on jouait à chat perché entre les chiards et les bonnes, vu qu'y avait personne d'autre.
A l'époque quand on n'avait pas de bonne pour garder ses chiards, eh bien, on n'en faisait pas.
On jouait à vérifier qu'un machin octogonal a bien huit côtés mais je m'est souvent gouré.

A l'heure où les vieux cons allaient crâmer leurs éconocroques à Deauville et les putes en gagner à Saint-Tropez, nous autres on courait autour du kiosque à musique.
Enfin musique, c'est un bien grand mot! Le gonze était pas assez riche pour s'offrir un piano alors y jouait du branle poumons, du boutonneux, enfin d'l'accordéon... une sorte d'adagio... probablement de Mozart... quand c'est très beau et qu'on n'est pas bien sûr, c'est presque toujours Mozart.

Y'avait même des caves qui guinchaient. Guincher sur du Mozart, c'est nul!!
Moi j'avais pas l'âge et pis la danse c'est du pelotage. Tout ce qu'on fait avec les pieds c'est parfaitement secondaire. Tout le monde s'en fout.
Pourtant elle était belle ma môme: huit ans et tout c'qu'y faut là où y faut mais en miniature; un vrai p'tit conte de fée, blonde comme les blés, balancée comme Martine Carol, claire comme le jour, avec des yeux de myosotis, et un teint, une bouche… Non, mais alors une bouche ! C’était trop pour un seul homme.
D'ailleurs c'est c'que m'a fait comprendre un gonze rouleur de mécaniques.
Rouler des mécaniques c'est une maladie des hommes... et lui était très malade!
Quand les gonzes de 50 kilos disent certaines choses, ceux de 35 kilos les écoutent.
Y voulait me montrer qui c'était Raoul et j'ai aussitôt compris que c'était lui.
Comme disait mon pépé, j'ai battu en retraite.
La retraite, faut la prendre jeune. Faut surtout la prendre vivant. C'est pas dans les moyens de tout le monde.
Y a des circonstances où y vaut mieux s'en aller la tête basse que les pieds devant, alors vu les circonstances je suis retourné dans les jupes de la bonne... c'était pas la plus mauvaise place.
Elle était peut-être folle de la messe mais pas l'contraire, nom de Dieu!
Et puis dans la vie, il faut toujours être gentil avec les femmes, même avec la bonne; c'est ce que mon dab disait aussi.
Par contre j'ai jamais revu ma môme, mon conte de fée. Je l'avais courtisée, séduite... je l'aurais peut-être enlevée et en cas d'urgence épousée?
Finalement j'aurais pris perpette.
Je préfère m'en souvenir comme ça... on vieillit mieux.

samedi 21 février 2015

Huiles essentielles de Percy

Publié sur le site MilEtUne d'après l'oeuvre du peintre Percy Shakespeare





Pour tenir toute une après-midi sur la glace à peindre des michtons et des gonzesses qui patinaient - ne le répétez pas - j'avais deux trucs.
D'abord des chaussures cloutées et puis je mettais quelque chose sur ma glace... du whisky.
Quand on a vécu dans la promiscuité des bidonvilles de Kates Hill Dudley, on pense brassage, mélange, mixité, bref... un blended aux arômes complexes, fumés et de vieux chêne.
J'y aurais bien trempé mes pinceaux mais j'avais définitivement opté pour l'huile.
“A l'huile, t'es le meilleur” ne cessait-on de me répéter.
Si j'étais accro à l'huile, les rares fois où j'ai peint à l'eau c'était après que je me sois engagé à la Royal Navy en 39 et ça m'a pas trop réussi.
A l'époque y'avait pas d'autre champion de la patine que moi... je dis y'avait parce que ça c'était avant.
Avant qu'un bombardier allemand me foute sa bombe sur la gueule!
Faut dire qu'il faisait pas un temps à s'promener sur la côte, et puis allez vous couvrir avec un chevalet et des pinceaux!
J'ai même pas eu le temps de me peindre un camouflage; j'avais opté pour un kaki avec un peu de brun et de beige mais j'hésitais pour le vert... absinthe, poireau ou militaire?
Alors c'est tombé!


Fini de représenter les arabesques, les sauts de biche, les jupettes, les petites culottes et les airs pincés des patineurs.
Finis le thé brûlant et les cookies au bord de la patinoire.
Que c'est chiant de mourir quand on s'appelle Shakespeare.
C'était déjà pas facile d'exister quand on s'appelle Shakespeare... William à la rigueur, mais Percy!
Soyez sincère? Est-ce que vous seriez encore fier de votre Cézanne s'il s'était prénommé aneth?


Love songs



Le paradis n'est pas sur terre,
mais il y en a des morceaux.
Il y a sur la terre un paradis brisé.
(Jules Renard)


J'aime bien quand les Défis Du Samedi me rappellent ma genèse






Quand Adam et Eve eurent bien secoué le pêcher original, le Tout Puissant les envoya se faire foutre sur Terre avec leur saint-frusquin.
A l'époque végétarienne, le saint-frusquin consistait en cinq fruits et légumes dont la fameuse pêche originale, la pomme, la poire, le scoubidou-bidou et la grenade mais ils emportèrent aussi quelques morceaux de Paradis.
On sait aujourd'hui que la plupart des morceaux de Paradis appartiennent à un certain Binyamiyn Biolay, notamment ceux qui évoquent le pêcher et la fuite qui s'ensuivit tels “Prends garde à moi” et “Tu pars comme on revient”.
Ca chantait entre autres: “Quand je suis nue quand je suis de dos... Alors prends garde à moi”.
De dos ou de face, Adam s'était fait avoir jusqu'au trognon et le jardin des délices n'était déjà plus qu'un lointain souvenir pour eux deux.
Ca chantait ça aussi: “Et depuis peu j'ai compris... Que chaque erreur avait un prix“, mais il était trop tard pour regretter, et de toute façon Eve chantait faux, à l'instar de bien des Eve.
Ils se souvenaient du jour où Il les avait virés comme des malpropres, c'était pour la teuf à Valentin... le quatorze février vu qu'Il venait de créer Février et quelques nombres au hasard qu'on appelle maintenant Loto.
Adam et Eve dansaient sur “Love songs” et ce refrain “Hold me till the day is done“ - chanté par un chœur d'anges - auquel ils n'entravaient rien à cause de l'angliche qui n'existait pas encore, quand soudain le Malin était arrivé en serpentant.
Le plus rusé des serpents rusés s'était pointé avec sa minable pêche originelle... et on connait la suite.
Le Tout Puissant avait dit: “Allez... Filez, mignons!!” et les mignons avaient filé. Et cela fut ainsi.

Ayant ramassé leurs morceaux de Paradis, Adam et Eve décidèrent de les mettre en lieu sûr dans un album collector, contrairement aux fruits et légumes qu'ils mirent en tubes pour ne pas les confondre.
Auraient-ils dû faire le contraire? Dieu seul le sait, encore que...

Comme l'avait ordonné le Tout Puissant il leur restait à croître et à se multiplier - d'abord dans le plaisir pour Adam et ensuite dans la douleur pour Eve - alors ils croîssirent ou ils croîssèrent, en tout cas ils crûrent et ils se multiplièrent.
Ainsi naquirent vaille que vaille des petits bouts de paradis: Caïn-caha et Abel de Cadix dont les yeux de velours furent glorifiés par Luis Mariano, puis 130 ans après vint leur troisième enfant qu'ils baptisèrent Sept (Seth en hébreu) pour contrarier le Tout Puissant.
Forts de leurs 130 ans - puisqu'ils avaient le même âge - Adam et Eve n'en oubliaient par pour autant leur cher Valentin qu'ils honoraient comme il se doit chaque 14 février.
Afin ne pas oublier ces 130 petits morceaux de bonheur, 130 peaux de serpent
- séchant tranquillement comme des chaussettes épinglées à l'aide de pitons - trônaient au manteau de la cheminée, et c'était bien...



jeudi 19 février 2015

Canard suspect

Publié sur le site Short Edition.
Si ce sonnet qui concourt au Grand Prix Eté 2015 vous a plu, n'hésitez pas à voter pour moi sur Short Edition




Ce matin j'ai compris que j'étais connecté
j'observe la télé, c'est elle qui m'espionne,
le frigo a vomi mon jambon de Bayonne
au motif qu'il était périmé, infecté.

Ma voiture papote, réclame sa vidange
je n'ose même plus titiller mon smartphone
la gamelle des chats se plaint au babyphone
le cardio du pépé est passé à l'orange.

Jusqu'à la brosse à dents qui compte mes caries!
Je cours me réfugier dans mon hâvre de paix
sur le lit... ma nana et un canard suspect.

Lui aussi! Ce bijou de plumes et de strass
sacrifie au rituel du commerce de masse!
Je débranche l'intrus, venu de Barbarie.

lundi 16 février 2015

Valentine's day (ou un os dans l'caviar)










“Magne-toi l'popotin, biquet! Tu prends quoi?”
“...oyons oir...”
“Commence pas avec tes Voyons voir! On va pas y passer la nuit”
“J'ai juste dit bouillon noir, chérie”
“Quel bouillon noir? T'es sûr qu'on a la même carte? On t'aurait pas refilé la carte des vins?”
“Non, c'est écrit bouillon à la citronnelle et au radis noir”
“Du radis noir dans un menu d'saint Valentin... c'est pas un peu olé olé?”
“Euh... d'un autre côté, ma chérie, avec du radis rose ça s'rait pas un bouillon noir”
“Ouais. Ben en tout cas moi j'prends l'machin à 140”
“Chérie, tu dis toujours que 140 grammes, c'est trop copieux pour une entrée”
“C'est pas des grammes, c'est des dollars”
“Hein? Et en grammes ça fait combien?”
“Sais pas. Z'ont juste écrit Caspian caviar, crème fraîche, blinis et un os...”

“Hum... Fais voir ça... os de caviar? Mais non c'est pas un os, c'est un oz”
“Ah? Alors j'sais pas si j'vais aimer c'machin”
“Un oz, ma chérie c'est une unité de poids chez les anglo-saxons”
“Alors je sens que j'vais pas aimer du tout”
“Tu sais, ça doit faire à peine 30 grammes”
“Ouais mais 30 grammes de quoi?”
“Si tu veux mon avis - vu l'prix - c'est pas des grammes de blinis ni de crème fraîche”
“Toujours à chipoter, hein? Tu veux m'pourrir ma soirée ou quoi?”
“Prends-le donc ma chérie, 30 grammes c'est vite avalé. Et tu choisis quoi après?”
“Comme si - depuis l'temps - tu savais pas que j'prends TOUJOURS un tournedos en plat principal”
“Euh... l'tournedos dans un menu d'saint Valentin... c'est pas un peu antinomique?”
“Anatomique, anatomique... vous pensez qu'à ça, vous les mecs!!”
“Chuuttt... Chérie, on n'entend que nous”
“Forcément y a qu'nous! Et toi? tu devrais aussi prendre le tournedos... pour une bonne nuit sans arrière-pensée”
(Soupir)
“Bon ben j'vais prendre comme toi, chérie. Allez, deux tournedos. Et pour la cuisson?”
“Je vois qu'y z'ont medium rare, alors j'vais essayer ça... medium rare. Et toi?”
“Euh... T'as raison, on doit pas avoir la même carte. La tienne est surement en anglais. De toute façon j'prends toujours à point”
“Si tu veux, pourvu qu'on soit servis ensemble pass'que j'aime pas t'regarder t'empiffrer tout seul”
“Et pour le vin? T'as une préférence, chérie?”
“On va faire simple, biquet. Prends la plus basse”
“Tu veux dire le bas d'gamme?”
“Non! La plus basse sur les étagères”
“Passeque tu crois qu'on peut s'servir tout seuls?”
“Pour celles d'en haut, faudrait un escabeau mais pour celles d'en bas on n'a besoin d'personne!”
“Pourtant un sommelier, ça doit être classe, non?”
“Un type qu'aura fait 5 ans d'études pour m'aider à monter sur la chaise et m'peloter au passage? C'est classe?”

“Chérie! La garniture! On n'a pas choisi nos garnitures!”
“Voyons... YES! Foie gras avec une sauce black truffle!”
“C'est une garniture de tournedos, l'foie gras?”
“T'as jamais entendu parler de Rossini?”
“Euh... vaguement”
(Sigh)
“Mais enfin! Le barbier qui composait des opéras-bouffe du côté d'Séville, t'es vraiment nul!”
“Maint'nant que tu l'dis... Va pour le foie gras, ma chérie, moi je choisis les asperges sautées”
“Des asperges sautées dans un menu d'saint Valentin... c'est pas un peu déplacé?”
“Euh... vu qu'elles sont incluses, c'est tout sauf déplacé, non?”
“Passons... et l'dessert? Pourquoi y'a pas les desserts sur mon menu? Y prennent pas d'dessert, les sanglots-klaxons?”
(Soupir)
“Sur mon menu français non plus. P't'être que pour la saint Valentin, y laissent le choix des gourmandises aux clients”
“Qu'est-ce que tu veux dire? Tu m'a emmenée dans un lupanar?”
“Non... j'veux dire qu'on a p't'être carte blanche au buffet”
“Ah... tu crois qu'y a un buffet? Comment on dit buffet en anglais?”
“Euh... buffet”
“Tu vois quand tu veux, tu peux êt' sympa! J'y vais voir tout d'suite! Attends! Comment on dit dessert?”
“Euh... dessert”
“J't'adore quand tu m'contraries pas! Et comment on dit sorbet?”
“Euh... sorbet”
“Arrête!! Tu m'chauffes, là! C'est bon, maint'nant!! Comment on dit VRAIMENT sorbet?”
“Essaie... water ice”
“Hein? C'est bon, j'dirai sorbet”
“Ma chérie?”
(Sigh)
“Quoi encore?”
“Je t'aime”
“Chuutt! On va t'entendre!!”















dimanche 15 février 2015

Valentine et Cupidon

publié sur le site MilEtUne d'après la carte postale





A tenir ce coussin j'ai tout l'air d'une conne
me voilà fagotée dans ce drapé antique,
je suis à crans, coiffée comme l'as de pique
est-ce moi qui rêvasse ou bien lui qui déconne ?

Il dit qu'en Cupidon je n'entends que pidon
que je suis un glaçon, une sainte nitouche
que sur d'autres gibiers brûleront ses cartouches
et que tous mes soupirs, mes mots doux c'est bidon.

Je rêve d'un seigneur ou d'un beau cavalier
quand celui-là n'en veut qu'à mon bouton de rose,
j'aurais voulu des vers, il ne pense que prose...

Où es-tu mon sauveur, où est mon Valentin ?
Faut-il à chaque fois montrer son popotin
de crainte de devoir tenir le chandelier?


samedi 14 février 2015

Les clowns blancs

Publié aux Défis Du Samedi d'après la facétie de l'artiste écossais Wintersixfour



Le champ du Mathieu, c'est un putain d'champ en dévers... tout l'monde le sait au village mais c'était ça ou mettre mes bourrins à la retraite et moi avec; alors j'ai accepté le marché.
Le pire c'est pas le dévers, c'est cet espèce d'épouvantail en fer blanc qui gueule toujours la même chose à chaque passage: "T'es à la bourre... 38ème rang... T'es à la bourre".
Parait qu'il a été programmé pour ça et qu'y sait rien faire d'autre que compter les sillons.
D'abord cheu nous on dit pas "à labour" mais "au labour".
Et pis y f'rait mieux de m'donner un coup d'main plutôt que d'rabacher comme un berlaudiau.
Y sait même pas qu'un petit journal cheu nous ça fait trente quatre ares et qu'on laboure jamais plus d'un p'tiot journal par jour, sinon ça s'rait plus un p'tiot journal, vindiou!

Y z'ont dit à la télé qu'y z'allaient rester là tant qu'on aurait la Menace... une sacrée embrouille qui menacerait nos terres, rapport à tous ces évènements qu'on nous cache.
Le père Martenot dit que c'est souvent comme ça avec les Menaces... faut pas tout dire sinon ça fait moins menace et on y croit pas.
On a rien pigé à leur politique agricole, à leurs petites et leurs grosses commissions, enfin toutes ces cagades qu'y font dans leur sénat galactique.
Moi, tout c'que j'sais - comme on dit cheu nous - c'est "qu'avant la Bonne-Dame de septembre, tu laboures quand tu veux mais après la Bonne-Dame c'est quand tu peux".
J'lui ai parlé d'la Bonne-dame au clown blanc... mais ça imprimait pas.
J'l'appelle mon clown blanc mais à la télé y disent clône blanc.
Parait qu'y z'ont cessé d'faire la guerre dans les étoiles pour rev'nir nous protéger; vindiou c'était pas la peine.
Cheu nous, un beusenot qu'est pas capable d'atteler deux percherons, c'est pas de l'aide, d'ailleurs le Copain et l'Petrus y s'foutent pas mal de lui.

Sûr qu'y a pas besoin d'un gros coup d'sabot pour l'esquinter, l'épouvantail en fer blanc.
Quand j'dis épouvantail... ça fait bien rigoler les corneilles !
A la prochaine rabasse, y s'ra tellement gaugé qu'y pourrait bien rouiller sur place.
Pourtant y'a aucun défaut dans ce tas d'ferraille, pas l'moindre p'tit trou où j'pourrais balancer un gatte-cul, histoire de voir s'il est programmé pour la danse de saint-Guy.
Parait qu'un clown blanc c'est très chatouilleux, c'est sophisquité et ça s'enrhume pour un rien.
Sa sulfateuse a pas dû servir beaucoup... y'a pas la moindre trace de bouillie bordelaise dessus.


C'matin à la télé y z'ont décrété le niveau Deux !
J'savais même pas qu'on était tantôt au niveau Un.
Alors au d'ssus des champs, y nous z'ont lâché comme des cerf-volants qu'y z'appellent des drôles ou des drones, mais ça fait moins rigoler les corneilles, vindiou!
Ca sert à rien à part amuser les p'tiots et les p'tiotes... faut pas d'mander c'que tous les morveux vont vouloir pour leur Noël.
En tout cas avec le Copain à la charrue, le Petrus à la herse et moi entre les deux, on attendra pas leur menace pour retourner la parcelle avant les semailles.

Hier j'ai surpris mon clown blanc dans la grange, cheurté sur la paille, à chouiner comme un gamin, que ça m'en a filé l'virot... ou alors c'est l'bruit qu'ça fait quand y rechargent leurs batteries, va savoir? On sait même pas si y font chabrot après la soupe.

“T'es à la bourre... 39ème rang... T'es à la bourre”.Oui je sais, je sais!
V'la t'y pas qu'au père Martenot, y z'y ont refilé une clowne blanche que c'est pas une denrée non plus.
Il avait espéré qu'elle servirait au moins à la maison mais elle est pas plus programmée pour plumer les patates que pour la polissonnerie.
Comme y commençait à l'embistrouiller un peu, y s'est pris un d'ces coups d'jus, pire que çui des clôtures à vaches!!
Ca lui a calmé l'Jesus et depuis, y dit comme ça qu'la menace c'est elle et pas aut' chose!
J'lui ai répondu qu'elle avait surement débranché son sexe à pile mais ça l'a pas fait rigoler.
N'empêche! Pourvu qu'y s'reproduisent pas...


mercredi 11 février 2015

Dix neuvième heurt ou Douce'Mans



Vingt quatre heurts du Mans
 
 
 

Le Bébé Cadum aura 90 ans demain, mardi 10 février. Le célèbre et emblématique bébé joufflu a été imaginé par Arsène Le Feuvre, maire du Mans de 1925 à 1931.

(Ouest-France - Fev. 2015)









Il en aura montré des popotins joufflus
des frimousses ravies à la sortie du bain
du tout doux, du propret et tant de chérubins
ce dessin simplement paré de superflu.

Peintre décorateur Arsène crée l'affiche
alors que nait Doisneau, nait le Bébé Cadum
ainsi il a suffi d'un sarthois, d'un bel homme
pour qu'aux murs de Paris rosissent tant de miches.

A l'heure du surgras et du tensio-actif
des stickers hydratants, des compresses stériles
où l'on met - insouciants - l'épiderme en péril

Ayons une pensée pour ce savon d'antan
notre peau vit d'amour et pas de charlatans
Respect aux créateurs, aux imaginatifs.


lundi 9 février 2015

Comme ci comme ça



Si on m'avait dit ça, j'aurais fait comme si
j'aurais rien esgourdé ou j'aurais rien pigé
mais on me l'a pas dit, alors c'est arrangé
comm'si de rien n'était, ouais mais avec des si...

Si on m'avait dit ça au lieu de rien me dire
j'aurais beaucoup kiffé qu'on me dise tout net
que je suis un mecton et pas une fillette
il en faut pas bézef je crois pour se grandir.

Si on m'avait dit ça en face, pas de dos
je crois que j'aurais su affronter les regards
dérouiller les chambreurs, les reloux, les ringards
et ta soeur?
Demain j'ai décidé de changer de pseudo

Basta les lapinou, les chouchou, les sissi
Si on m'avait dit ça, ouais mais avec des si...





dimanche 8 février 2015

Embrouillamini

Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration suivante







C'est ma métromanie, il faut que je tricote

une maille à l'endroit, une maille à l'envers

si c'est bon je descends à Filles du Calvaire

sinon je n'aurai plus qu'à changer à La Motte.



Une maille à l'envers, une maille à l'endroit

au pire je reprends à zéro... rebelotte

j'ai démonté les mailles, embrouillé ma pelote

dites-moi on va bien jusqu'à Choisy-le-Roi?



Une maille à l'envers, à l'endroit une maille

pourquoi ai-je voulu tricoter ce chandail?

il fait noir tout à coup et on est à l'arrêt.



Une maille à l'endroit et l'autre de travers

c'est la Bérézina... euh non, c'est Chemin Vert?

Comment ça mon ticket? Qu'est-ce qu'on fout au Marais?






samedi 7 février 2015

De la bonne graine

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème: Tradition

Ma Bourgogne


La coutume des haricots consistait à équeuter une montagne de gousses que le papi répartissait par grosses poignées entre nous tous - cousins et cousines - jeunes volontaires désignés d'office.

Papi Marcel se réservait la tâche honorifique et tarabiscotée de les ranger verticalement - une fois équeutés - tels des petits soldats dans un régiment de bocaux à l'alignement millimétré.

En ronchonnant, chacun castrait son “mangetout” par les deux bouts, retirant un fil, recoupant les plus longs à la taille réglementaire sans les esquinter en se dépêchant lentement pour éviter une poignée de haricots supplémentaire.

Le papi ne jurait que par le Contender... “De la bonne graine” disait-il “ à l'inverse de vous!”.

Quand on est gamin et qu'on s'apprête à vivre les traditionnels mois de vacances dans la grande maison de famille bourguignonne posée à deux pas d'adulte du Canal du même nom - soit quatre ou cinq pas d'enfant - il y a de quoi être soucieux.

Le rituel dominical consistait à traverser les deux ponts pour jarter jusqu'à l'église située en haut du village avant le dernier coup de cloche et sans salir nos beaux habits.

Mamie Jeanne rêvait d'un autre habit pour nous... soutane pour un garçon ou voile pour une fille mais la vocation ça ne vient pas toujours dans un missel garni d'images de communiants et le Patron - figé sur sa Croix et contraint de subir les sermons déjantés d'un curé loufoque - n'embaucha guère plus que quelques espiègles enfants de choeur.

L'usage du coucher consistait à entamer une seconde journée faite de batailles de polochons et diverses embistrouilles, et tout ceci à tâtons puisque l'ingénieux papi avait inventé l'extinction des feux télécommandée au moyen d'un interrupteur traîtreusement disposé vers sa chambre.

La traditionnelle pêche à la ligne était parmi les corvées les plus douces puisqu'en quelques secondes nous posions pliants, bourriches et épuisettes sur la berge devant la maison.

Armés de patience et de fourbes hameçons, nous taquinions tout ce qu'il y avait à taquiner entre deux passages de péniches chargées à ras bord et qui déclenchaient des tsunamis couleur café-au-lait où disparaissaient nos bouchons dans des relents vaseux qui viaunaient le gasoil...

Quand on est gamin et qu'on s'accroche la serviette autour du cou pour une de ces rituelles orgies qui s'étirent presque jusqu'à l'heure du souper sans pouvoir officiellement quitter la table, il y a de quoi être soucieux.

On vous y gueude au pâté en croûte, vous torture aux escargots persillés, vous condamne au doublé poisson-viandes avant les tourments salade-fromage-dessert tout en vous promettant aux calendes grecques ce fameux galopin de Ruchottes-Chambertin dont les grands se gobergent.

Pour peu que l'orgie dégénère on vous forcera à chanter en public l'immuable et planétaire classique de Guy Béart “Ma petite est comme l´eau, elle est comme l´eau vive, Na na nère...

Pourquoi tant d'eau au pays du pinot noir?

La fin des vacances arrivait à grands pas - sonnant la fin des réjouissances - alors, au risque d'attraper la drouille et une tisane on sacrifiait à Notre tradition, celle qui ne figure dans aucune archive locale: on allait se gauger dans l'eau glacée du lavoir, là où on savait que l'horrible mélusine ne se risquait jamais!


Lexique de mes bourguignonneries:

drouille: diarrhée

embistrouiller: embêter

esquinter: abîmer

galopin: verre

gauger: tremper

se goberger: s'empiffrer

gueuder: rassasier

jarter: marche très vite

tisane: engueulade

viauner: sentir mauvais

mercredi 4 février 2015

L'amer à boire

Aux Impromptus Littéraires, on ne perd pas de temps en enchaînant avec les cinq mots suivants: azimut, Bourg-La-Reine, chameau, fantasme, ranimer




Malgré la sueur qui ruisselait abondamment sur mes lunettes de soleil et dans mes yeux, j'orientai la boussole sur l'azimut 48°...
Au diable les 46', l'aiguille s'était tellement dilatée au soleil qu'elle couvrait 10° à elle toute seule!

Mais qu'est-ce qui lui avait pris à cette connasse de choisir les dunes de Merzouga en plein mois de juillet?
Elle rêvait de voir les hommes bleus de près? Madame allait pouvoir vivre son fantasme.
J'ignore ce qu'ils avaient mis dans le thé - “amer comme la mort, le second doux comme la vie et le troisième sucré comme l'amour” disait le dépliant - mais au troisième verre elle était effectivement devenue toute bizarre.
Pas fou, au troisième verre j'avais recraché discrètement. Même par politesse, je n'avais pas envie de goûter aux ardeurs nomades!
Le petit groupe barbare - certains disent berbère - avait disparu avec elle derrière ces foutues dunes. Je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse amasser autant de sable dans un même endroit.

Deux mille cinq cent kilomètres jusqu'à Bourg-La-Reine, c'était pas tant la mer à boire que le détroit de Gibraltar à traverser.
Il me restait maintenant à ranimer mon chameau, et c'était pas gagné d'avance.
Une ultime épreuve m'attendait: pratiquer le bouche à bouche à une bestiole du genre camélidé et sujette à l'insolation!
Par téléphone j'avais réservé une Méhari mais à l'agence il ne restait que ce vieux mâle à une seule bosse.
On ne m'avait même pas précisé s'il savait nager!
Je ne sais pas pourquoi - c'est idiot - mais à l'instant présent, j'eus préféré une jeune femelle aux yeux dorés bordés de cils voluptueux.
Comme je commençais à ruminer mes cours de secourisme - par mimétisme sans doute - mon vieux “rafiot du désert” agité de soubresauts ouvrit ses larges lèvres pour m'offrir en pleine figure un long et lugubre blatèrement!

J'écarquillais péniblement mes yeux ensablés quand j'ai reconnu ma chambre. Le cri faisait “Barabira... Kechichan” puis plus nettement “Te voilà réveillé, fainéant?”
Une femme pas très belle en djellaba et bigoudis me tendait une tasse fumante qu'elle m'obligea à boire sans respirer.
Comme elle s'éloignait en traînant des pieds, je l'entendis dire à quelqu'un:
“On est peinards, Farouk... il est reparti pour trois heures”