mercredi 4 février 2015

L'amer à boire

Aux Impromptus Littéraires, on ne perd pas de temps en enchaînant avec les cinq mots suivants: azimut, Bourg-La-Reine, chameau, fantasme, ranimer




Malgré la sueur qui ruisselait abondamment sur mes lunettes de soleil et dans mes yeux, j'orientai la boussole sur l'azimut 48°...
Au diable les 46', l'aiguille s'était tellement dilatée au soleil qu'elle couvrait 10° à elle toute seule!

Mais qu'est-ce qui lui avait pris à cette connasse de choisir les dunes de Merzouga en plein mois de juillet?
Elle rêvait de voir les hommes bleus de près? Madame allait pouvoir vivre son fantasme.
J'ignore ce qu'ils avaient mis dans le thé - “amer comme la mort, le second doux comme la vie et le troisième sucré comme l'amour” disait le dépliant - mais au troisième verre elle était effectivement devenue toute bizarre.
Pas fou, au troisième verre j'avais recraché discrètement. Même par politesse, je n'avais pas envie de goûter aux ardeurs nomades!
Le petit groupe barbare - certains disent berbère - avait disparu avec elle derrière ces foutues dunes. Je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse amasser autant de sable dans un même endroit.

Deux mille cinq cent kilomètres jusqu'à Bourg-La-Reine, c'était pas tant la mer à boire que le détroit de Gibraltar à traverser.
Il me restait maintenant à ranimer mon chameau, et c'était pas gagné d'avance.
Une ultime épreuve m'attendait: pratiquer le bouche à bouche à une bestiole du genre camélidé et sujette à l'insolation!
Par téléphone j'avais réservé une Méhari mais à l'agence il ne restait que ce vieux mâle à une seule bosse.
On ne m'avait même pas précisé s'il savait nager!
Je ne sais pas pourquoi - c'est idiot - mais à l'instant présent, j'eus préféré une jeune femelle aux yeux dorés bordés de cils voluptueux.
Comme je commençais à ruminer mes cours de secourisme - par mimétisme sans doute - mon vieux “rafiot du désert” agité de soubresauts ouvrit ses larges lèvres pour m'offrir en pleine figure un long et lugubre blatèrement!

J'écarquillais péniblement mes yeux ensablés quand j'ai reconnu ma chambre. Le cri faisait “Barabira... Kechichan” puis plus nettement “Te voilà réveillé, fainéant?”
Une femme pas très belle en djellaba et bigoudis me tendait une tasse fumante qu'elle m'obligea à boire sans respirer.
Comme elle s'éloignait en traînant des pieds, je l'entendis dire à quelqu'un:
“On est peinards, Farouk... il est reparti pour trois heures”


2 commentaires:

  1. Voilà ce qui arrive quand on mange une bouchée à Bourg-la-Reine!

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  2. Vegas sur sarthe6 février 2015 à 08:47

    et quand on mange un fromage à Sucy-en-Brie?

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