lundi 2 février 2015

Le temple d'Isis

Je ne peux pas incriminer les Impromptus Littéraires d'avoir proposé cette idée d'un logo-rallye avec les mots:  cataracte,enchevêtré,illicite,mufle, raidillon... l'idée est de moi 



Notre guide s'appelait Bérénice et si elle affirmait avoir fait les Beaux Arts au Caire, elle avait dû apprendre à diriger une felouque par correspondance : »Entre Louxor et Assouan les îlots de la première cataracte du Nil abritent, au nord l'île Eléphantine et au sud à Philæ, le temple d'Isis... ou plutôt - devrai-je préciser - abritait le temple d'Isis avant son déménagement...»
« Comment ça, déménagé ?? »
J'avais hurlé et si Bérénice ne sembla pas m'entendre, tout le groupe me regardait bizarrement.

La felouque tangua, laissant sur bâbord l'île de Bigeh tandis que Bérénice reprenait : « Menacé par la montée des eaux entre deux barrages, le temple d'Isis a été sauvé du naufrage par la volonté des hommes qui l'ont rebâti bloc après bloc sur l'île d'Aguilkia. »
J'avais bien aperçu ces monstruosités jetées en travers du fleuve mais j'étais loin d'imaginer que l'on toucherait à une seule pierre de mon cher temple !

« Vous ignorez peut-être que Agilkia est le nom retenu pour baptiser le site d'atterrissage du robot Philæ de la mission européenne Rosetta » continuait Bérénice, sourire en coin.
De quelle mission parlait-elle ?
A mesure que la felouque approchait d'Aguilkia, j'allais d'horreur en horreur, ne reconnaissant rien des lieux .
La gorge serrée, j'éructais : « Vous n'aviez pas le droit ! Tout ça est illicite, illégal !!! Je vous ferai fouetter»
Le groupe s'était massé à l'arrière de la felouque et jetait des regards inquiets à Bérénice qui continuait à réciter sa leçon : « Voyez comme le littoral d'Aguilkia a été remodelé pour donner à l'île la forme d'une colombe, celle originelle de l'île de Philæ ».
C'en était trop ! J'allais leur en foutre des colombes, moi !
Je cherchais éperdument du regard les colonnades, les pylônes et les chapiteaux du portique qu'avait fait ériger Nectanébo Ier il y a... si longtemps.

Comme l'accostage s'annonçait laborieux, j'abandonnai Bérénice à sa manœuvre et plongeai sans plus attendre dans les eaux tourbillonnantes du Nil.
« Qui a bu l'eau du Nil reviendra sur ses rives » disait un de nos proverbes ancestraux. J'en avais tant bu autrefois... et j'y revenais aujourd'hui.
Je nageais mal mais je parvins assez vite sur la rive toute proche où un décor enchevêtré de dattiers, de palmiers et de mimosas me cachait ce cher temple ou plutôt ce que les hommes en avaient fait.

Je mis le peu de forces qui me restaient à gravir un raidillon en haut duquel se dressa soudain le fronton d’une ruine aux colonnes décolorées. Ruminant le mufle en l’air, un énorme buffle de grès semblait me défier.

Un « piii-ooo » me fit lever la tête au ciel.
Tout là-haut, un milan royal formait de grands cercles en poussant des miaulements aigus.
Elle était au rendez-vous, ma déesse !



2 commentaires:

  1. Un sujet si bien traité, tu l'avais prémédité celui-là :-)))
    Bérénice fait son job, un peu éberluée de savoir que tu es revenu hanter les lieux et lui couper l'herbe sous le pied.
    La déesse était u rendez-vous, l'essentiel est sauvé...

    (je ne sais pas si j'aurais le temps de traiter le sujet cette semaine, mais j'y pense.)

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  2. Vegas sur sarthe2 février 2015 à 13:05

    Merci d'avoir si bien décodé l'ectoplasme que je suis :)

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