mardi 19 mai 2015

4 heures du mat, sans clé, sans bagnole et sans toit, et sous la pluie.

Publié aux Impromptus Littéraires




4 heures du mat, sans clé, sans bagnole et sans toit, et sous la pluie.

Je crois avoir tout fait comme le demandait cet étrange message que j'ai reçu, pourtant celui ou celle qui me l'a envoyé me connait mal car j'ai raté mon permis de conduire cinq fois avec à la clé la certitude de n'avoir jamais un jour une bagnole à moi.
Habiter à deux pas du circuit Bugatti sans jamais pouvoir poser son cul dans son propre baquet et faire rugir les chevaux, c'est vexant, infamant, c'est exactement comme habiter Plougastel en étant allergique aux fraises ou bien être client chez Free et n'avoir rien compris...

Alors venir au rendez-vous sans clé de contact c'est pour moi une évidence, sauf si le message parle de clé à molette ou de clé à bougie. Qui aurait l'idée farfelue de se rendre à un rendez-vous à 4 heures du mat avec sa caisse à outils sinon pour réparer une fuite nocturne?
Et même... réparer une fuite sous la pluie, ça n'a pas de sens, c'est un peu comme vouloir regonfler un pneu crevé.
4 heures et demie du mat. Je n'ai jamais été ni un lève-tôt ni un couche-tard, moi qui pique du nez dès 22 heures devant Koh-Lanta pendant que mes héros sans abri se déchirent pour une boulette de riz!
Sans toit! Le message demandait de venir sans toit, comme les Kanawa ou les Boros de TF1, comme un Robinson ou un Vendredi... inutile que j'aille chercher ma Quechua à la cave.
Je relis dix fois le message à la recherche d'un quelconque indice, d'un mot-clé qui m'informerait des véritables intentions de ce messager, de cette messagère qui me file rancard sous la pluie à 4 heures du mat. Si c'est Alain Grognard, il aurait pu signer... ou alors c'est Sandrine Le Marchand... non, elle c'est Shanghai Express.
Il faut que je me reprenne en mains.
5 heures du mat. Insidieusement je lis entre les lignes et commence à comprendre, un rendez-vous sous la pluie ça pue l'aventure, une pluie tropicale ça vous met dans le bain tout de suite, une pluie de mousson diluvienne, une pluie malaise. Rien que l'expression “pluie malaise”, ça fout le vertige, la gerbe.
Sûr qu'il y en a qui auront décliné l'offre - les dégonflés - alors on fait appel à moi!
5 heures du mat, en comptant les formalités de douane et l'immigration ça doit permettre d'atterrir en Malaisie ou aux Philippines juste pour l'apéro du soir.
Qu'est-ce qu'ils peuvent bien servir à l'apéro les malais, les philippins? Une bière tiède, une infusion, au mieux de l'alcool de riz?

Bon sang mais c'est bien sûr, sans clé ça veut dire qu'on devra fabriquer les “outils” sur place, peut-être des hameçons pour la pêche ou des huiles essentielles d'arbre à thé contre le moustique-tigre?
Avec un peu de chance il y aura Téhéiura! Il faut absolument qu'il y ait Téhéiura sinon je ne pars pas.
Lui saura faire le feu mieux que personne et on mangera chaud.
Ouf! Je réalise que je n'aurai pas à planquer d'allumettes entre mes miches comme je l'avais appris en stage commando quand j'étais troufion à Kehl.
C'est dingue comme “troufion” - même en un seul mot - ça fout aussi la nausée.
5 heures trente du mat. A la boussole je suis imbattable mais est-ce que je saurai encore ramper, passer une tyrolienne et traverser un marigot?
S'ils m'ont choisi c'est qu'ils doivent savoir des choses sur moi... sauf pour la bagnole.
Et si c'était Ginette qui les a mal rencardés? Ouais, ça sent Ginette tout ça.
Elle dort à côté en ronflant comme un sonneur mais ses éternels petits sourires ne trompent personne.
Je mets de la bouffe au hasard dans un sac à dos et un mot sur la table:”Ne m'attends pas”.
”Ne m'attends pas”, ça ne veut rien dire vu que Ginette n'a jamais su attendre, alors je déchire le mot.
Dans quelques heures elle cherchera son “poussin” partout dans la maison.
Est-ce qu'il y aura aussi des bombes sur l'île? Des Jennifer, des Christina, des Manon?
Un coup d'oeil par la fenêtre: il pleut toujours et c'est bon signe.
Par contre je me demande si mes chaussures à glands sont bien appropriées... et puis qu'est-ce que je vais bien pouvoir foutre d'un prix de 100 000€? M'acheter une bagnole?
C'est ridicule...




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