dimanche 31 juillet 2016

J'ai tiré la dame de coeur

Publié sur MilEtUne d'après l'illustration




Moi c'est Lancelot et je suis né à Genève – je sais, ça s'invente pas mais c'est pas ma faute, c'est celle à mes vieux – aussi les potes m'ont toujours appelé Lancelot du lac.
Parait que c'est le nom du valet de trèfle dans les jeux de cartes.
J'ai jamais aimé les cartes et j'ai jamais aimé les jeux non plus.
Ma passion c'est la pêche au gros mais la pêche au gros sur le lac de Genève, c'est un peu limité.
Alors quand Bébert m'a dit qu'il avait entendu parler de brochets femelles de plus d'un mètre – d'habitude il dit en rigolant “sur le lac Genevois jamais rien”, j'ai sauté dans le canot en moins de deux!

Dix minutes plus tard, ça s'est mis à tirer vachement fort sur la ligne... je sais pas si on dit brochette pour la femelle du brochet mais j'aurais jamais cru que ça tirait aussi fort.
Au bout y avait un machin jaune, comme une bouée canard dégonflée avec une greluche cramponnée à mon bas de ligne... un sept brins en titane qui m'avait coûté trois mois d'argent de poche!
Alors je l'ai remontée sur le canot histoire de récupérer mon matos.
Elle était là, recroquevillée et toute tremblante avec son canard crevé.
Elle a juste dit Merci et qu'elle s'appelait Judith... drôle de prénom pour une brochette.
Les potes m'ont dit plus tard que Judith c'est la dame de coeur dans les jeux de cartes, moi j'y connais toujours rien aux cartes, alors même si j'avais tiré la dame de coeur j'ai rien dit à personne.
Pourtant hier y avait ma photo dans le Courrier de Genève avec un gros titre: Lancelot le roi de la pêche.
Les potes disent que le roi de trèfle dans les cartes c'est Alexandre.
Manquerait plus que ça qu'on m'appelle Alexandre.





dimanche 24 juillet 2016

Voir Florence et mourir

Publié sur le site MilEtUne Histoires d'après l'illustration




Le commandant du Titanos allait s'enfiler un double scotch au bar de la passerelle quand le commandant en second – qui selon la hiérarchie venait donc juste après lui pour se servir un simple scotch – vint prévenir qu'on approchait d'une ville.
Comme aucune ville n'était annoncée avant dix jours, il demanda qui colportait cette ânerie.
L'ânerie en question émanait d'un officier sénior qui l'avait entendue prononcée au bar des officiers par un officier junior.
On alla chercher l'officier junior au bar des quartier-maîtres où l'un d'eux confirma entre deux téquila que l'information venait d'un veilleur.
La vue des veilleurs ne devait jamais être mise en doute sur le Titanos, car on leur affutait toujours la vue avant le départ; celui-ci fut donc sommé de fournir des détails.
Le veilleur d'origine italienne jura sur la tête de ses jumelles Mira et Vera qu'il venait de voir Firenze – sa ville natale – Florence en français et en Toscane comme chacun sait.

Le commandant en premier – qui venait donc selon la hiérarchie juste avant l'autre – éclata de rire :”Tu as vu Florence, en plein océan? Pourquoi pas un iceberg tant qu'on y est?”
Le commandant en second se mit à rire lui aussi mais en second en ajoutant :”Un iceberg pour votre double scotch, commandant?”
Le commandant en premier cessa de rire; quel rapport y avait-il entre son double scotch et un iceberg?
L'officier junior s'adressa alors au veilleur italien :”Dis-moi veilleur à la vue affutée, n'aurais-tu pas vu le Palazzio Vecchio, par hasard?”
Le veilleur toujours italien acquiesca :”Sur la tête de mes jumelles, j'ai bien vu le Palazzio Vecchio! Mais comment le sais-tu?”
Le commandant en premier reprit la question :”Oui, comment le sais-tu?”

L'officier junior poursuivit :“Et n'as-tu pas vu aussi la coupole du Dôme?”
“Sur la tête de mes jumelles, j'ai bien vu la coupole du Dôme!”
“Et la tour de Bell de Giotto?”
“ Sur la tête de mes jumelles, j'ai vu la tour de Bell de Giotto”
“Et le jardin des Roses?”
“Sur la tête de mes...”
“Ça suffit!!!” hurla le commandant en premier en renversant son second... double scotch.
“Et la grande poignée?” continua l'officier junior.
Interdit, le veilleur à la vue affutée ouvrit des yeux ronds d'étonnement, ce qui était interdit aux veilleurs :”Euh... quelle grande poignée?”
L'officier junior, gonflé d'orgueil sentait miroiter les galons de senior. ”Et bien la grande poignée de la grande valise” dit-il sur un ton suffisant mais qui ne suffisait à personne.



“Oui, quelle grande valise?” demanda le commandant en second.
“Alors, quelle grande valise?” s'impatienta le commandant en premier par ordre hiérarchique.

L'officier junior expliqua qu'il s'agissait d'un phénomène rare appelé la valise de Folon, une gigantesque valise creuse, symbole de voyage et de liberté qui se déplaçait au gré des vents et capable de désorienter le plus affuté des veilleurs.
“Et que faut-il faire en premier?” demanda le commandant en premier.
L'officier junior soupira :”Il faudrait pouvoir tirer sur la poignée, mais c'est bien haut”

“Que tout l'équipage fasse la courte échelle” commanda le commandant en premier “et qu'on tire cette foutue poignée!”
Ainsi fut fait jusqu'à ce qu'un dernier matelot atteigne la grande poignée.

Tout en bas un quartier-maître blasé fredonnait un vieil air du folklore italien :”T'as voulu voir Germaine et on a vu Florence...” lorsqu'un craquement sinistre se fit entendre.
“Quèsaco?” demanda le le commandant en second qui avait fait provençal en seconde langue.
“Ça doit être cette foutue poignée” dit le commandant en premier qui avait fait psychologie en alternance.

Le veilleur à la vue affutée se pencha par dessus le bastingage et déclara gravement :”Euh... commandant, sur la tête de mes jumelles Mira et Vera, je crois bien que c'est plus grave”.





mardi 19 juillet 2016

Mes siestes

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème: Les ombres et la lumière de l'été



A l'heure où - ventres pleins et esprits empégués
les adultes opéraient leur sieste crapuleuse
nous étions condamnés à la pause ennuyeuse
séquestrés au dortoir sans espoir de fuguer.

Trépignant sur le lit je restais éveillé
recomptant les moutons et bâillant aux corneilles
je grimpais aux échelles embrasées de soleil
que lançaient les volets disjoints sur l'oreiller.

J'étais un baroudeur , un Joffrey de Peyrac
et Angélique avait les yeux de ma cousine
rien ne me résistait, pont-levis, sarrasines.

Un jour je dirais tout, je viderais mon sac
je leur dirais mon bois, ma hutte, mon marais
mais pour l'heure, exalté, je gardais mes secrets


samedi 16 juillet 2016

Bas les pattes!!

Publié sur le site MilEtUne Histoires d'après l'illustration





Aujourd'hui mes confrères – ou mes consoeurs, c'est pareil chez les hermaphrodites – arrivent tout droit et à toute pompe des pays de l'Est.
Si j'écris 'toute pompe' au singulier c'est parce qu'on n'a qu'un seul pied; pour nous c'est singulier mais pour d'autres c'est curieux... allez comprendre.
J'ignore à quoi sont dopés ceux qui viennent de l'Est pour courir si vite alors qu'ils sont lestés aux métaux lourds mais on ne m'ôtera pas de l'idée que leur bave a une drôle de couleur, une teinte genre Tchernobyl.
Ils sont polonais ou roumains – bref, c'est des Roms – alors forcément notre label “Escargot de Bourgogne” n'a plus guère de sens, ce n'est plus qu'une coquille vide.
L'autre soir j'ai croisé un(e) jeune slimak polonais(e) – là-bas ils disent pas escargot mais slimak – venu(e) de Krazin en Mazurie qui m'a abordé sous je ne sais quel prétexte; il (elle) ne faisait même pas la taille réglementaire et j'ai préféré l'ignorer que risquer un détournement de mineur(e).
On dit qu'en Floride il y a des escargots géants d'Afrique qui sont si gros qu'ils ne tiennent pas dans la main!
Est-ce que les escargots d'Afrique sont farcis au beurre noir? Personne n'a pu me répondre.

Autrefois mes aïeux naissaient, vivaient et mouraient chez nous, je veux dire ici au bord du canal de Bourgogne, dans des rangs de vigne ou dans un potager, un vrai potager avec des vraies salades où on venait nous cueillir avec délicatesse sauf entre avril et juin où on nous foutait une paix royale.
C'était notre jungle à nous et bien avant que les pesticides viennent nous empoisonner la vie en semant la mort, on y vivait comme des sauvages.
Faut dire aussi que les copains qui fréquentaient les rangs de vigne ont beaucoup souffert du sulfatage... entre l'escargot et le mildiou, les viticulteurs avaient choisi le mildiou et sorti la sulfateuse à bouillie bordelaise!
De la bouillie bordelaise en Bourgogne! Si c'est pas malheureux d'entendre ça.
Notre PDG, le Pape Des Gastéropodes avait bien tenté – toutes cornes dressées – de s'insurger contre cette ignominie auprès des autorités mais il avait fini comme de bien entendu... au beurre persillé.
Comme je sens que la recette vous intéresse: échalotes, ail, persil, sel, poivre, une noix de beurre et hop! Farcissez-nous la baraque!
Pour la crémation: Thermostat 8, ni plus, ni moins, j'insiste mais c'est du grand art et pas du bricolage.
Ça vous fait baver, hein? C'est normal... nous aussi.

Au moins nous les dodus survivants on savait mourir dignement, gastronomiquement au milieu d'un grand plat de cagouilles servi à l'occasion des enterrements.
Parfaitement, on nous servait religieusement persillés avec un sachet de cendres pour la cuisson en hommage aux cendres du défunt et ça finissait toujours par chanter comme pour un banquet de vendanges ou un mariage!
On fêtait la mort joyeusement et pour conjurer ce funeste sort, combattre l'adversité qui vous flanque pour l'éternité au fond d'un cimetière communal il y avait toujours un gai luron pour dérider la famille en deuil avec ce bon mot: ”Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres”.
Il y avait toujours un violoneux ou un accordéoneux pour mettre l'ambiance et lancer le ban bourguignon... vous savez... «Lala, lala, lalalalalère... », cinq notes, deux onomatopées, neuf claquements de mains... laissez tomber, je vous raconterai ça une autre fois.
J'aperçois un groupe de roms patibulaires qui tournent autour de mon pissenlit :”Bas les pattes!!”





La belle de Souzix

Publié aux Défis Du Samedi d'après l'illustration




Concepcion naquit un beau matin de printemps parce que dans les contes on nait souvent un beau matin de printemps; il fallait bien qu'elle naquit à cause de son prénom et aussi parce que sa mère Anunciacion était enceinte jusqu'aux dents d'un bel inconnu car les inconnus sont toujours beaux en fin de conte et au début aussi.
Qu'elle était jolie avec ses yeux doux comme du velours, ses sabots noirs et luisants comme des sabots et ses très longs cheveux noirs qui s'arrêtaient au bout d'un moment, si jolie qu'on aurait dit Marylin mais en brune, bref elle était si jolie - comme dans les contes et dans la chanson d'Alain Barrière - que dans tout le royaume d'Espagne on l'appelait la belle de Souzix à cause de son père inconnu, de ses yeux de velours et de son Tchica-tchica-tchic-aïe-aïe-aïe.


Elle questionnait souvent son journal intime car il fallait bien qu'elle le questionnasse ou qu'elle le questionnât, enfin bref... comme dans tous les contes: "Diaro intimo, mon beau diario intimo, dis-moi que je suis la plus belle et qu'un jour(nalintime) mon prince charmant viendront ou bien viendra... il sera beau comme moi, enfin pas trop moche quand même, bref... il sera un amant très magnifique qui me fera jouir et tout et tout".

A ces mots le journal qui était pourtant intime ne se sentait plus de joie mais ne répondait jamais rien, tout comme les miroirs qui n'ont pas droit à la parole non plus; elle lui remplissait ses pages car il en avait plusieurs, des prénoms les plus charmants... il y avait là Rocco, Bernardo et Zorro, non... pas Zorro, et puis aussi Rudolf et Valentino et la liste des courses de chez Aldi mais en fin de conte on s'en fiche.

Alors que le conte faisait déjà pas loin de trente lignes, Anunciacion décida qu'il était grand temps de la marier avant que le conte ne déborde et aussi parce que Concepcion griffonnait son diaro intimo à en perdre l'appétito.
Anunciacion lui trouva un beau parti au rayon des princes charmants; on dit parti alors qu'il venait tout juste d'arriver mais c'est comme ça dans les contes; il s'appelait Ramon ou un truc comme ça, bref il eut fallu qu'elle le susse ou bien qu'elle le sut, enfin bref... chaque chose en son temps comme répétait sa mère qui aimait bien répéter; Ramon portait bien son nom et elle en fut ravie dès qu'elle le vit et ravie au lit aussi mais dans les contes on ne le dit jamais de cette façon; de toute manière Concepcion était ravie partout.
Qu'il était beau Ramon avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier et ses sabots noirs et luisants qui lui rappelaient quelque chose, enfin bref.
Il plut très fort à Concepcion, vraiment très fort pourtant c'était un beau matin de printemps - la météo était bonne sur Madrid comme on l'avait annoncé sur Telecinco - un beau jour pour se marier et c'est ce qu'ils fissent ou bien ce qu'ils firent aussitôt, enfin bref... ce fut un beau mariage et Concepcion n'en finissait pas de lire et relire la lettre du Registro Civil de la Casa de Correos de la Puerta del Sol présidence de la communauté de Madrid, enfin bref... on y lisait que Conception Souzix dite la belle de Souzix avait épousé ce beau matin de printemps confirmé par Telecinco, le beau Ramon y Ramon Delgado, tennisman, cinquante-deuxième mondial au classement ATP, enfin bref... un sacré joueur de pennis comme disait Anunciacion qui avait du mal à prononcer les 't'.
Elle avait mis son éternelle robe bleue à poids car les robes à poids sont éternelles dans les contes mais elle en avait retiré quelques uns pour que la robe soit plus légère.

L'heureux élu, on dit souvent heureux au début, portait sa belle veste marron de serveur; il avait toujours été excellent au service et aussi à la volée, mais ça Concepcion allait l'apprendre plus tard...
Comme le conte faisait largement les cinquante lignes, le jeune couple s'empressa de disparaître, c'est parfois comme ça dans les contes et puis ils en avaient plus qu'assez de ces papillons, mosquitos et autres insectes qui volaient autour d'eux à cause du beau matin de printemps et que Ramon essayait de chasser du revers de la main à grands coups de castanuelas et de tamborin, enfin bref... il était moins bon au revers.

Al final on répète qu'ils eurent heureux et furent beaucoup d'enfants ou bien le contraire, enfin bref... on le dit et c'est bueno.

mercredi 13 juillet 2016

Les souvenirs c'est comme les vieux Malabar

Publié sur le site MilEtUne d'après la citation de Saint-Exupéry







“Dis Bébert, tu f'ras quoi quand tu s'ras grand?”
Bébert me regarde avec ce regard bovin qui caractérise les beusenots, comme si j'arrivais de Mars avec une énigme pour cul-terreux (chez nous on dit pas terrien mais cul-terreux).
Après un certain temps, il me répond: “Quand j'serai grand, j'voudrais être petit”
J'ai failli prendre le même regard bovin mais j'ai toujours préféré celui du père Fouras dans Fort Boyard quand il balance la clé à la flotte devant un bougre de candidat qui sait pas que “Ce légume cultivé, n'est dans le sang pas apprécié”... c'est un navet !
Alors je prends ce regard-là pour lui répondre: “Mais t'es encore petit”.

Bébert accuse le coup mais il est buté, du genre gros beu – on dit beu chez nous et pas boeuf – ce qui va très bien avec son regard.
Sa réponse me surprend :”J'voudrais être encore plus petit”.
“Plus p'tit que t'es maint'nant? Vindiou! C'est guère possible”
“Non... juste plus p'tit que les grands”
“Mais on finit tous par être grands, mon vieux”
Bébert se brusque :”M'appelle pas mon vieux, s'te plait”

Il rumine un instant un morceau de Malabar qu'il a gardé de la veille au fond d'une poche et dit gravement: “Les grands ça grandit avec des problèmes... et les problèmes, j'en veux pas”
J'ai pas grand chose à redire à ça alors j'ajoute sans trop y croire :”Les grands ça a aussi des souvenirs de quand y z'étaient p'tits pour les aider à vivre”
“J'ai pas envie d'avoir des souvenirs” lâche Bébert en même temps que son morceau de Malabar.
“Pourtant, ton morceau de Malabar c'est qu'un souvenir de Malabar et tu viens d'le mâchouiller”
“C'est pas faux”
“Et t'as trouvé ça bon, hein Bébert?”
“Euh... Ouais, enfin ça manquait un peu d'goût”
Je lui souris :”Et ben mon vieux, les souvenirs c'est pareil qu'un morceau de vieux Malabar qu'a moins d'goût mais tu les rumines quand même”

Bébert accuse le coup mais il est buté, du genre gros beu mais ça je l'ai déjà dit.
“Tu m'jures que les souvenirs c'est pas plus dégueu que mes morceaux de vieux Malabar?”
Je prends un ton solennel :”J'te l'jure, Bébert”
Il a pas l'air d'y croire tout à fait :”Tu l'jures sur quoi?”
Pour jurer, j'ai l'choix parmi les têtes de tous ceux qu'j'aime pas :”J'te l'jure sur la tête du père Martenot”
“Le père Martenot? Mais ça fait un bail qu'il est mort!”
On peut oublier, tout peut s'oublier, qui s'enfuit déjà disait j'sais plus qui :”Bon ben disons sa veuve alors?”
“La mère Martenot? Y'a longtemps qu'elle a plus sa tête, alors comment tu peux jurer dessus?”
Ce beusenot commence à me gonfler :”Dans la famille Martenot, je choisis la fille et me fait pas chier, Bébert!”
Bébert devient tout rouge et m'attrape par le colback... il a vraiment l'air d'un gros beu :”Tu peux pas faire ça. J'ai des... souvenirs avec la fille Martenot”

“Oh ça va... je retire ça, Bébert. Tu peux m'lâcher”
Le beusenot me lâche. Faut vraiment qu'je fasse gaffe avec lui.
Et dire qu'il va grandir!
Qu'est-ce que j'ai été beusenot moi aussi d'lui demander ce q'il ferait quand y s'rait grand. Il est temps de conclure :”Tu vois Bébert, les souvenirs c'est précieux et plus tu grandis plus t'en collectionnes”.
Le regard bovin s'illumine :”Et alors?”
Alors... rien, Bébert”


mardi 12 juillet 2016

Des pieds et des mots

Publié aux Impromptus Littéraires d'après ces 8 mots imposés  :)



J'avais fait des mains et des pieds
il ne restait que quelques jours
c'est pas marrant d'être à la bourre
j'étais dans un sacré guêpier

Pondre un sujet c'est pas facile
j'ai jamais été fort en thème
alors j'ai écrit chrysanthème
j'aurais pu mettre gypsophile

J'ai contacté des érudits
des têtes d'Igor et Grichka
ils m'ont trouvé matriochka
mais on était déja jeudi !

Dans la vie faut pas s'embêter
ne pas en chier une pendule
j'ai mis des machins, des bidules
y'a pas plus mou qu'un retraité

Il me fallait de l'olfactif
les voisins faisaient des merguez
car l'ambiance était portugaise
les footeux s'arrachaient les tifs

L'Euro dévorait la téloche
ne vit-on pas une drôle d'époque
Ronaldo remontait son froc
moi je cherchais des mots fastoches

Etaient là, ministres fantoches
tous ceux du quartier-général
on a vu le vice-amiral
scander C'est dur mais on s'accroche !

Désolé de vous ennuyer
creusez-vous la tête au vide-pomme
là c'est mystère et boule de gomme
mais j'aime bien vous titiller

samedi 9 juillet 2016

Le cirque pour les Nuls

Publié aux Défis Du Samedi d'après l'illustration







Avaleur de sabre: Mangeur de cimeterres muet comme une tombe



Clown blanc: Drôle de numéro qui nous roule dans sa farine



Contorsionniste: Petit bonhomme en mousse capable d'autofellation sans orgasme



Dompteur: Magicien qui fait passer des moustiques-tigre pour de dangereux félins



Ecuyer: La plus belle conquête du canasson

Ecuyère: Enfourcheuse de cheval en deux coups d'écuyère à pot (méthode peu cavalière)



Funambule: Casse-cou filoguidé qui déambule sans préambule



Jongleur: Enfant de la balle qui a bien grandi



Monsieur Loyal: Monsieur Royal qui cache son air sous son aile



Pole Dance: Pole emploi pour artiste victime d'un coup de barre



Trapéziste: Voltigeur accroché à la droite joignant le point d'intersection des côtés non parallèles au point d'intersection des diagonales et qui passe par les milieux des côtés parallèles... ou bien accroché où il peut



Ventriloque: Bouchiloque qui joue avec ses tripes




lundi 4 juillet 2016

Cagouilles en brochette

Publié aux Impromptus Littéraires d'après les mots du poème de Boris Vian "Le temps de vivre"




Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
En bas, dans le bois du père Martenot où il avait établi sa cabane une fumée montait droite comme un cierge pascal à Saint-Bénigne.
Quel sauvage osait faire du feu dans son fief en plein mois de juin?
A mi-chemin – si tant est qu'il y eut un chemin – il évita d'un bond une profonde rigole creusée par les dernières pluies mais ne vit pas une ronce qui l'envoya mordre la poussière d'un sournois croc-en-jambe.
“Vindiou” jura-t-il en frottant ses genoux couronnés et il reprit sa course en gambillant (boitant); il en avait vu d'autres comme cette fois où ceux de Verjus l'avaient rossé pour les avoir traités de beusenots.
Celui-là qui faisait du feu chez lui allait payer pour cette félonie.
Il s'arrêta un instant pour souffler, trouva à travers sa poche le contact rassurant du lance-pierre; dans la combe, c'est pas les pierres qui manquaient et il saurait en trouver de belles pour la tête du quéqué qui osait faire du feu sans sa permission...
Il en soupesa plusieurs qu'il garda en main, pas trop lourdes mais assez tranchantes pour apprendre les bonnes manières à ce busard !

Le busard était assis de dos devant un maigre feu de bois trop humide qui fumait comme dix sapeurs... il ne pouvait pas l'avoir entendu arriver.
Comme il bandait son lance-pierre en direction de la nuque échevelée, le busard tourna la tête. Ses longs cheveux blonds – pas comme les tignasses des gars de Verjus – encadraient un visage aux traits fins... il n'était pas de chez nous, peut-être un cul-terreux, un de la Saône-et-Loire ou de plus loin encore, un vrai étranger. Que faisait-il ici près de sa cabane à faire du feu?
Il n'eut pas le temps de questionner.
Le busard s'était redressé, un timide sourire aux lèvres et lui tendait quelque chose :”T'en veux une?”
Il désarma son lance-pierre pour prendre ce qui ressemblait aux tiges de sureau qu'il crapotait pour faire comme les adultes, mais là c'était une cigarette, une vraie.
L'autre lui tendit un briquet :”C'est un Zippo” dit le busard d'une voix fluette.
Il dévisagea l'étranger :”T'es pas d'ici... qu'est-ce que tu viens rebeuiller (fouiller) sur mes terres?”
Le busard ne quittait pas son petit sourire et le regard bleu acier s'était adouci.
Décidément il était trop chaponné (efféminé) pour un cul-terreux. Il faillit lui demander s'il était une fille mais il savait trop bien que si c'était faux il lui en cuirait et si c'était vrai il lui en cuirait aussi...
Il n'eut pas à prendre le risque.

“J'm'appelle Florentine mais t'as qu'à m'app'ler Flo” dit l'étrangère et elle ajouta :”Tu t'allumes tout seul ou j'viens r'prendre le Zippo moi-même?”
Malgré le sourire l'étrangère avait pas l'air de plaisanter.
Il alluma gauchement la vraie cigarette et en tira une vraie grosse bouffée d'homme en pouffant (toussotant).
”C'est la fumée de ta foutue fouillère” se défendit-il en lui rendant le Zippo “faut être tarée pour faire une fouillère (feu en plein air) en été! Et pis faut prendre du châtaignier ou du robinier bien sec... j'en ai une réserve là-bas”.
Flo eut un franc sourire :”Oh ça va! C'est juste pour faire cuire ma brochette de cornus”
Il chercha à voir à travers l'épaisse fumée :”Une brôchette de quoi?”
Flo désigna du doigt une tige noirâtre :”Des cornus... des cagouilles, quoi!”
Instinctivement il serra les pierres coupantes qu'il avait gardées en main :”Les cagnoles, où don qu'tu les as trouvées?”
“Dans la cabane, c'te blague” dit-elle sur un ton léger.
Il s'était cheurté (assis) lourdement et jeta sa cigarette dans le feu, le souffle coupé, le regard fixé sur le tiau charbouillé (baguette noircie) qui crâmait.
Cette embistrouilleuse venait d'incinérer sa meilleure équipe de cagnoles, une dream team classée première aux derniers championnats régionaux de Chassagne-Montrachet: Cinquante et un centimètres en moins de trois minutes, des jours et des semaines d'entraînement.
“Vindiou... Cré Vindiou” répéta-t-il en retenant un sanglot. Forcément, à c't'heure ses Helix pomatia allaient jarter (courir) bien moins vite.
Flo avait perdu son sourire :”Y'a un problème?”
Il aurait pu lui sauter à la gorge, lui hurler sa haîne, la pousser une bonne fois dans la fouillère. Il ne fit rien de tout ça.
Pour sûr y'avait un problème de taille. Une gouine qui crapotait des Craven A et allumait un feu de bois vert en plein été avait ruiné ses espoirs de gagner le championnat du monde de course de cagnoles... ceux de Verjus allaient en mourir de rire!
“T'as crevé mes championnes” chouina-t-il à l'instant où une soudaine rabasse (averse) s'abattait sur eux, un garot d'été qui les força à courir se réfugier dans la cahute.
Jusque là il n'avait eu ni le temps ni l'envie de reluquer l'intruse.
Il découvrait un minois picassé de nantilles (taches de rousseur) qui lui donnaient des airs
de poulbot, un minois mangé par deux quinquets bleu océan qui lui filaient le virot...
La rabasse n'avait pas eu le temps de les gauger (tremper) jusqu'aux os mais il devinait la poitrine naissante sous le mince tricot mouillé.
Il détourna la tête pour sortir d'un panier une fillette d'aligoté chipée dans la cave d'Oncle Hubert :”T'en veux un galopin?”
Flo éclata de rire :”C'est quoi un galopin? Un chenapan, comme toi?”
”C'est juste ça” dit-il en ramassant un verre.
Elle lui prit la bouteille des mains :”J'préfère boire au goulot”.
Il trouva qu'elle buvait bien, comme un mec en s'essuyant la bouche d'un revers de main et en rotant de plaisir.
Il but à son tour au goulot qu'elle venait de suçoter à l'instant et c'était bon.
Il rota à son tour.
“Vindiou, tu fais un sacré busard” trouva-t-il à dire pour tenter de dissiper sa gêne grandissante.
“T'es toujours fâché pour les cagouilles?” demanda-t-elle.
Il ne savait plus.
Dehors, un franc sulot (soleil) avait séché la rabasse mais il n'avait pas envie de bouger.
Il frotta ses genoux couronnés où le sang avait séché.
Flo l'interrogea du regard.
“Ton feu aura crevé” dit-il simplement.
L'homme ne vaut rien. La femme pas grand chose, mais l'un et l'autre font le monde disait souvent Oncle Hubert aux veillées de famille...
C'était ben vrai