mercredi 7 juin 2017

Tra la la la lère


Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème :"Né quelque part"


Il parait que j'ai longtemps hésité entre venir par le siège et par la présentation transverse pour finalement débarquer de façon banale c'est à dire par voie basse ce qui au passage n'empêche nullement de brailler à tue-tête.

On dit que j'aurais braillé un mot de trois lettres mais quand d'autres auraient braillé Oui ou Non, j'avais parait-il braillé Kir!

Et me voilà tout étonné, déjà façonné dans le moule, formaté à la mode bourguignonne parce que né – Dieu seul sait pourquoi – sur cette Côte liquide, sur ce grès couleur de miel qui brille au couchant et qui d'après moi a donné son nom à la Côte d'Or.

A quoi ça tient les racines? A un mot de trois lettres?
A dix centilitres d'un apéro né d'un chanoine bon vivant? A un blanc-cass? 

Le vrai blanc-cass, m'sieurs dames c'est un tiers de vin blanc cépage aligoté et deux tiers de crème de cassis à 20°. Ajoutez-y un bon tiers d'accent bourguignon – on n'est pas à un tiers près – en rrroulant les 'R' et vous êtes au parrradis!!
Concernant le rrroulage des 'R' il fallait que cette singularité soit d'importance pour que Molière dans son Bourgeois Gentilhomme en ait fait une description prrresque chirrrurrrgicale:
“L'R se prononce en portant le bout de la langue jusqu'au haut du palais, de sorte qu'étant frôlé par l'air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une sorte de tremblement : 'Rrr'.

A quoi ça tient les Rrracines? A une façon de mettre sa langue dans son palais ou encore à une façon de chanter son bonheur d'être là à la moindre occasion.
Quiconque sait chanter “Tra la... Tra la... Tra la la la lère...” en approchant les mains en forme de coupe à hauteur de sa trogne pour les faire tourner comme si on regardait à travers est déjà un pro du ban bourguignon.
Avec mes cousins on le pratiquait à notre manière c'est à dire d'une seule main pour pouvoir en même temps pincer les fesses des filles... ce qui nous valait aussi des calottes.

En cherchant bien on trouve d'abord ses racines au fond de l'assiette; j'ai toujours vu les anciens rafraîchir leur restant de soupe avec une grande rasade de Passetoutgrain comme une sorte de rituel ancestral.
Mais d'où ça sort ce Chabrot ou Chabroù?
Un lointain cousin des Baux de Provence qui connaissait Mistral par cœur soutenait que l'expression venait de cabroù parce qu'on boit dans son assiette comme le ferait une chèvre.
Bref bouc ou biquette, peu m'importait, j'ai fait comme les autres... des grands Slurp!

J'aurais pu naître dans n'importe quel endroit normal, un endroit où les fontaines pissent de l'eau fraîche et bien non... à Dijon la fontaine du Bareuzai – notre Manneken-Piss bourguignon vêtu d'une simple feuille de vigne – “pisse” du vin une fois l'an pour les fêtes de la Vigne.

A l'ombre de mes racines j'ai grandi et puis j'ai fini par en avoir une grosse... une vraie, cadeau de l'oncle Hubert le jour où il est revenu de la ville avec une Choillot toute neuve. Ce jour là, Vindiou! j'ai eu droit à un cours magistral sur l'invention de Jean et André Choillot, deux bricoleurs de génie qui avec une caisse, deux roues et un attelage de vélo allaient révolutionner le monde de la carriole attelée et du même coup faire de moi le plus fier des gars du village.

Si on ne choisit pas ses racines on en prend tout le bon et on s'accommode du moins bon.
Les racines c'est un joyeux pêle-mêle, de “la paulée” – le banquet de fin des vendanges – de la saint Vincent tournante qui n'a rien d'obscène, de la vente à la bougie des Hospices de Beaune, des Chevaliers du tastevin et leur drôle de coupelle à dégustation, bref comme disaient mes ancêtres :”Les coutumes comme les femmes, sont faites pour être respectées... et bousculées aussi”.

2 commentaires:

  1. Les racines sont aussi un vocabulaire et des coutumes qui chantent aux oreilles de l'étranger du cru. Mélodieux !

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  2. Je fais de mon mieux car j'en suis fier :)

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